Depuis Seattle en 1999, et la croissance explosive du mouvement anticapitaliste, nous tous dans le mouvement socialiste international avons navigué des mers inconnues. La seule chose sur laquelle nous sommes presque tous d'accord c'est que la gauche doit développer de nouvelles formes d'organisation qui à la fois reflètent et dialoguent avec ce tournant radical nouveau et qui s'amplifie. Après le 11 septembre 2001 l'explosion de manifestations contre la guerre a ouvert de nouvelles directions, de nouvelles possibilités. Pour la gauche révolutionnaire, le potentiel était énorme pourvu que nous soyons dirigés avant tout par la volonté de devenir des socialistes à l'intérieur du mouvement, de travailler avec un spectre de forces plus large que ce à quoi nous nous étions peut-être habitués pendant les deux décennies précédentes. Tel était le défi que nous devions relever.
En Écosse le Scottish Socialist Party a fourni une possibilité de réponse à ce défi. Fondé en 1998, avec des camarades de la tendance Militant jouant un rôle central, il s'était engagé sur un projet d'unité de gauche qui s'exprimait dans un parti qui pourrait agir de manière concertée et unie tout en acceptant que le débat politique était la sève de toute organisation socialiste. Dans cet esprit, le Socialist Workers Party en Écosse a été invité à rejoindre le SSP en tant que plate-forme – une occasion que nous avons saisie avec l'accord très majoritaire de nos membres.
Les choses semblaient très prometteuses, et le succès
électoral du parti en 2003 a confirmé qu'il y avait une
base de soutien très large pour un parti socialiste
anti-guerre avec des principes. Par conséquent, il est
profondément regrettable qu'à peine trois ans
après
cette avancée électorale majeure le Scottish Socialist
Party ait atteint un point de crise insoluble. Le projet, cependant,
reste aussi urgent et prometteur qu'il l'était quand nous
avons rejoint le SSP il y a cinq ans. La crise du New Labour qui
s'aggrave, la révulsion devant la guerre en Irak et en
Afghanistan et l'attaque sur le Liban, la privatisation agressive des
services publics confirment la nécessité objective d'un
parti socialiste, ouvert, démocratique, de masse. A
présent,
ce ne sera pas le SSP ; mais notre espoir est que la nouvelle
formation que nous avons aidé à fonder, sous le nom
provisoire de Solidarity, et qui inclut Tommy Sheridan, qui est
peut-être l'individu clé à la gauche du paysage
politique écossais, la majorité des anciens membres du
SSP, et d'autres éléments dans le mouvement social plus
large, attirera vers lui le plus large spectre d'anticapitalistes.
Ce qui suit est un récit de la crise et de
l'écroulement du SSP. Son objectif n'est pas de gagner une
quelconque compétition morale abstraite, mais de montrer que
les événements qui ont mené à la crise,
quoi qu'étant apparemment de nature personnelle, étaient
en fait profondément politiques. Ils démontrent que ce
qui est apparu au cours des derniers mois était une ligne de
fracture dans un modèle spécifique d'organisation
socialiste. L'objectif de ce récit est par conséquent
d'identifier cette faiblesse pour qu'elle serve d'avertissement et de
leçon pour le prochain chapitre.
1: Le Catalyseur
La cause immédiate de l'écroulement du SSP a été la conséquence d'une décision par celui qui est peut-être son dirigeant le plus connu, Tommy Sheridan, de poursuivre en justice le journal News of the World, propriété du groupe News International de Rupert Murdoch, pour un article qui concernait sa vie privée. Pour les socialistes, les questions de morale privée ne nous intéressent pas ; les relations sexuelles consensuelles ne concernent que ceux qui s'y adonnent. Nous jugeons nos camarades à leur conduite politique, pas à leur vie personnelle. Les News of the World est un journal qui publie des récits scandaleux sur des comportements sexuels – mais aussi, chose plus importante, c'est un ennemi constant du mouvement ouvrier, qui utilise ses pages et celles des journaux qui lui sont affiliés pour attaquer les militants syndicaux, les socialistes, et tous ceux qui combattent l'oppression, la leur ou celle des autres, de manière systématique. Ceci est notoire, même parmi ceux qui achètent le journal pour son contenu voyeuriste. Et c'est pourquoi la victoire de Sheridan, quand un jury a condamné le journal à la majorité, a été largement célébrée par les travailleurs en Écosse et au-delà.
Ce qui a causé la crise interne dans le SSP, cependant, a
été le fait étonnant qu'un certain nombre de
membres du Comité Exécutif (a) du SSP sont venus
témoigner en faveur des News of the World. Leur présence
au tribunal n'était pas le simple résultat d'une
obligation légale, comme ils le prétendent :
c'était
la conséquence d'une série d'actions et de
décisions
prises au cours des mois précédents qui n'étaient
pas seulement mauvaises en elles-mêmes, mais qui
révélaient
un malaise bien plus profond dans le parti. Quand les premiers
articles ont paru, Sheridan a demandé à l'exécutif
lors d'une réunion longue et difficile de reconnaître
son droit de poursuivre à titre individuel le journal pour
diffamation; au lieu de quoi il fut pressé de
démissionner.
Des minutes extrêmement précises de cette réunion
ont été conservées, sans que d'autres membres du
comité (parmi lesquels je me trouvais) soient informés de
leur contenu – et ces minutes devinrent par la suite
l'élément
substantiel de la défense des News of the World. Dans les
jours qui suivirent plusieurs membres du comité exécutif
distancièrent le parti d'envers Sheridan de façon
très
publique, et des rumeurs et des suggestions le concernant furent
l'objet de fuites vers la presse.
La position de la
plate-forme Socialist Worker à ce moment était connue
et répétée bien des fois – nous soutenions
le
droit de Sheridan de poursuivre le journal et avons condamné
la campagne qui montait contre lui. En effet, il nous semblait
très
clair depuis le début qu'il y avait une campagne
coordonnée
et consistante pour éloigner Sheridan de sa position de
dirigeant dans le SSP. L'extraordinaire dureté des attaques
continues envers lui et tous ceux qui le soutenaient de
l'intérieur
du SSP après la conclusion du procès a choqué
même les militants possédant une longue expérience
– et a assuré l'écroulement du SSP dans sa forme
ancienne.
Ce qui compte, bien sûr, ce ne sont pas des
récits empiriques – même si la réaction du
Comité Exécutif du SSP immédiatement après
le procès a été de produire un document de 12
pages consistant entièrement en des vitupérations
personnelles et des accusations envers Sheridan. Son effet fut de
convaincre la majorité des militants du parti qu'ils ne
pouvaient plus travailler dans un parti dirigé par des gens
capables de produire un tel document.
La question qui va se poser, c'est « Pourquoi cela
est-il arrivé ? »
Mon opinion est que la crise du SSP trouve son origine dans la
question centrale de la relation entre les socialistes et le
mouvement. Notre évaluation optimiste originelle du SSP, et
notre décision de le rejoindre, reflétait son intention
déclarée de construire un parti socialiste large,
ouvert, de masse. L'autorité et la reconnaissance qui avaient
été gagnées par Tommy Sheridan durant la
campagne contre la Poll Tax puis son action comme seul
député
du SSP au parlement écossais contribuèrent de
façon
décisive à cette évaluation. Et la confirmation
la plus éclatante du potentiel du SSP vint avec les
élections
parlementaires écossaises de mai 2003, où le parti
obtint 6 % du vote national, un total de 130 000 voix, et put envoyer
six députés aux parlement.
Ce fut un moment
historique – et c'était une victoire, d'après nous,
qui venait directement de la perception dans l'opinion publique du
rôle dirigeant du parti dans le mouvement anti-guerre : le 15
février de cette année-là, une manifestation
à
Glasgow avait rassemblé 100 000 personnes. Le fait que ce
nombre soit si proche du nombre de voix obtenu lors des
élections
n'est pas une coïncidence.
Les conflits à l'intérieur du parti, même
s'ils n'étaient pas alors déclarés,
commencèrent
au moment même de ce succès. Le grand nombres de voix
pour le SSP suggérait qu'il y avait une possibilité
réelle de leur « ouvrir les portes du
parti »,
de poser les fondations d'une véritable organisation de masse.
Et pourtant il était clair même à ce moment qu'il
existait une résistance à cette rencontre avec le
mouvement large, et une insistance persistante sur les campagnes
dirigées et contrôlées par le SSP. Des
débats
substantiels avaient déjà eu lieu entre la plate-forme
Socialist Worker et la majorité du comité exécutif
à propos du mouvement anti-guerre. Nous défendions
l'idée que nous devrions tenter de répliquer les
meilleures expériences de la campagne Stop the War et
construire un mouvement anti-guerre large en alliance avec des
organisations musulmanes, la majorité de la direction a
rejeté
cette orientation et a insisté au contraire sur une alliance
avec des éléments staliniens très
rétrogrades
dans une bureaucratie nouvellement créée qui a
bloqué
de façon consistante toute activité à la base
à
partir de ce moment.
Cette crainte des forces plus larges qui sont entrées sur
la scène de l'histoire après Seattle reflète une
attitude sectaire qui allait caractériser la relation entre le
SSP et tous les mouvements sociaux. Curieusement, les résultats
électoraux n'ont pas mené, comme nous le
défendions,
à une relation plus ouverte et plus dynamique avec le
mouvement large, mais à son contraire – un accent excessif
mis sur l'activité parlementaire aux dépens du
militantisme à la base. Les parlements peuvent être des
plate-forme utiles pour la propagande dans la construction d'une
organisation socialiste – comme l'a montré Tommy Sheridan
si
clairement quand il était le seul député entre
1999 et 2003. Avec six députés le parti a eu droit
à
un certain nombre d'assistants à plein temps, et l'engagement
à ce que les députés remettent la moitié
de leurs indemnités parlementaires au parti a augmenté
les ressources du parti. Mais il a aussi renforcé le
caractère
bureaucratique du parti, et concentré son attention sur un
rôle parlementaire qui ne pouvait être que limité
et bridé.
Dans les discours, bien sûr, le
dévouement du parti envers la classe ouvrière et la
pureté de son caractère socialiste étaient
réaffirmés sans fin. Mais c'était là une
représentation fausse de la réalité si
l'intention était d'indiquer une concentration sur des
questions ayant trait au mouvement syndical, par exemple, ou un
engagement à construire la résistance dans les
quartiers populaires sur des questions comme la santé ou le
logement. Le travail syndical se limitait en réalité
à
la recherche de bons rapports avec des dirigeants syndicaux en vue de
l'affiliation de leurs syndicats2.
La plate-forme Socialist Worker a toujours défendu l'idée
que nous devrions former des liens avec et parmi la base ; cette
idée
a été reçu avec scepticisme de façon
répétée parce qu'elle menaçait une
relation de sympathie avec des dirigeants syndicaux souvent
affirmée
mais rarement visible. Quand le parti a agi sur les questions
syndicales, c'était toujours au dernier moment, de façon
généralement symbolique, et souvent sectaire dans le
ton de ses interventions.
Une conséquence de ce que
nous considérons comme une occasion perdue a été
que le nombre de membres du parti a décliné, tout comme
les ventes du journal du parti. Le journal lui-même était
faible et tourné vers l'intérieur et très
consciemment contrôlé par la faction de la majorité
du comité exécutif. De temps en temps des articles
étaient publiés qui provenaient d'autre positions dans
le parti, mais ils étaient peu nombreux et ne reflétaient
pas une véritable ouverture du journal au débat –
encore moins une quelconque tentative de lui faire
réfléchir
le mouvement large qui avaient amené six camarades au
parlement. L'atmosphère interne devint de plus en plus
fractionnelle et les critiques de Sheridan d'un point de vue
soi-disant féministe devinrent de plus en plus dures durant
les réunions exécutives.
Mais c'est la rencontre du
G8 à Gleneagles en Ecosse en juillet 2005 qui allait mettre
à
l'épreuve les deux perspectives qui étaient en conflit
aigu mais non déclaré au sein du SSP. En janvier 2005,
à la réunion exécutive ordinaire, les membres de
la plate-forme Socialist Worker ont demandé un débat
sur nos préparations pour le G8. A cette réunion et
à
toutes celles qui suivirent la direction du SSP refusa de traiter de
la question. Les personnes qui allaient participer à la
manifestation Make Poverty History, disait-on, était des
représentants de la gauche bien-pensante des classes moyennes;
les travailleurs ne s'intéressaient pas à ce genre de
questions, pas plus qu'ils ne s'intéressaient à la
guerre en Irak. Les travailleurs ne s'intéressaient qu'à
des questions économiques touchant à leur quotidien.
Pendant ce temps les membres de la plate-forme Socialist Worker
dans le SSP en collaboration avec un large éventail de groupes
et d'organisations ont pris l'initiative de créer un
comité
de préparation de la manifestation de Gleneagles le premier
jour du G8, et l'organisation d'une contre-conférence à
Edimbourg le dimanche précédent. Les réunions
étaient régulières, avec une participation
importante, enthousiaste et d'un caractère large. Une
députée,
Frances Curran, fut assignée pour faire la liaison avec ce
groupe organisateur, avec un membre de la plate-forme qui avait
était
profondément impliqué depuis le début. Le
rôle
de la direction du SSP dans cette activité fut désastreux
: régulièrement ses interventions étaient
simplement conçues pour bloquer ou gâcher ce qui
était
une initiative large et démocratique, tout en ne proposant
aucun soutien pratique ou politique réel aux organisateurs. En
refusant de contribuer au Sommet des Alternatives, au-delà
d'accepter l'occasion de parler à ses tribunes, ces camarades
sont restés sur la vieille formule usée que cela
n'intéressait pas les travailleurs et l'abstention continua.
Le vendredi avant la manifestation quatre des six députés
s'adonnèrent à un spectacle absurde et inutile au
parlement pour dissimuler leur inefficacité et leur distance
d'avec le mouvement. Le coût en fût 30 000 £3
en amendes et autres dépenses, ainsi que la
désapprobation
générale du public.
Comme nous l'espérions,
la manifestation Make Poverty History a été énorme
(environ 300 000 personnes) et aussi variée, diverse et
dynamique que le sont toujours les manifestations de ce type. La
préoccupation principale du SSP, cependant, n'était pas
de savoir quelle était la meilleur manière pour les
membres du parti de se connecter à ce nouveau mouvement mais
plutôt de savoir comment nous pouvions nous différencier
des autres manifestants. Ainsi les membres du SSP portaient des
t-shirts rouges (et non blancs comme tous les autres manifestants) et
formaient un cortège serré, fermé, plutôt
que de participer dans toute la manifestation dans les
délégations
de syndicalistes, d'étudiants, de manifestants
anticapitalistes etc.
Le Sommet des Alternatives de dimanche rencontra un succès
extraordinaire, avec plus de 5 000 participants pour un
événement
vivant, ouvert, et stimulant, plein d'idées politiques et de
débat. Il était triste, par conséquent, de voir
la direction du SSP rester au-dehors de la salle principale tout le
long de la journée à recueillir des signatures pour une
pétition de défense des députés qui
avaient été expulsés du parlement. De
manière
particulièrement significative, Frances Curran dans son
intervention au cours du meeting de fin fit des efforts
considérables
pour mettre l'accent sur les différences entre le SSP et le
mouvement, et la distance qui sépare le SSP des figures
internationales majeures avec qui elle partageait la tribune, parmi
lesquels Trevor Ngwane d'Afrique du Sud, Susan George, Caroline Lucas
et George Galloway.
Plusieurs membres du comité
exécutif se sont plaint amèrement à la
réunion
suivante de la conduite du SSP à ce grand
événement,
l'un des soutiens du groupe dirigeant a publié une
évaluation
franche et dévastatrice de l'intervention du parti dans le
numéro suivant de Frontline, le magazine de la plate-forme
ISM, celle de la direction du SSP4
.
En tant que parti, le SSP a refusé
délibérément
et explicitement d'engager le dialogue avec le mouvement, même
si la plate-forme Socialist Worker avec d'autres membres de la base
du SSP, ainsi que beaucoup d'autres en-dehors du parti, ont
travaillé
sans relâche pendant des mois pour construire
l'événement.
La conclusion aurait pu bien sûr être tirée que
cela avait été une erreur politique et que des
leçons
pouvaient en être tirées. Au lieu de cela il a
été
avancé dès le lendemain que c'était un
événement
« mis en scène » d'une manière ou
d'une autre par le SWP. La question qui n'a pas été
traitée est le paradoxe que, à un moment d'intense
débat politique parmi un nombre croissant de travailleurs, non
seulement le SSP s'est abstenu en tant qu'organisation, mais le
nombre de ses militants continuait à décliner, tout
comme les ventes de son journal, dans une atmosphère
extraordinairement favorable.
Deux mois après ces
événements grandioses, le coordonnateur politique du
parti, Alan McCombes, a présenté un texte au
comité
exécutif qui défendait l'idée que l'audience
principale du parti ne se trouvait pas parmi ceux qui avaient
été
aliénés par le New Labour ou ceux qui étaient
engagés dans les mouvements anti-guerre ou anticapitaliste
mais plutôt parmi les pauvres et les exclus dans les HLM :
Le plus grand réservoir potentiel de soutien pour le SSP ne se trouve pas parmi les électeurs travaillistes, du SNP, des libéraux-démocrates ou même des Verts, mais dans les 50 pour cent de la population qui ne votent pas. Plus d'un million de personnes ne s'est pas déplacé pour les élections écossaises de 2003 ou pour les élections législatives de 2005.
Naturellement les pauvres et les exclus doivent faire partie de
l'audience potentielle du SSP et il est correct qu'un parti
socialiste essaie d'encourager leur entrée dans la vie
politique, tout en reconnaissant les difficultés que cela
comporte. L'erreur de McCombes, cependant, est d'imaginer que les
exclus peuvent être la composante principale ou dirigeante de
notre base sociale (c'est là, en même temps que sa
suggestion que l'organisation du parti soit basée dans
l'avenir sur une série de groupes d'intérêt ou de
« réseaux » plutôt que des
sections à base géographique, une des raison pour
lesquelles son texte n'a pas été soutenu par le
comité
exécutif).
Si une grande partie de la direction ne semblait pas être affectée par les événements de Gleneagles, on ne peut pas en dire autant des membres du SSP. La conférence nationale du SSP en mars de cette année (2006) a été notable pour son atmosphère changée. Autour des questions de la guerre, du racisme et du changement climatique, les délégués ont rejetés avec consistance les motions sectaires qui défendaient l'idée d'une approche solitaire, en faveur d'un travail en collaboration avec d'autres militants. Quand la députée Rosie Kane est intervenue par exemple dans un débat sur les questions écologiques (il faut rappeler qu'elle est l'une des porte-paroles principales du parti sur l'environnement) en représentant le comité exécutif, elle a rejeté spécifiquement la motion proposant que le parti s'implique dans le front large de la Campaigne Against Climate Change, en défendant au contraire que « nous n'avons besoin de personne d'autre – nous pouvons le faire tout seuls ». Sa position a été rejetée clairement par les délégués.
Les délégations à la conférence
incluaient un certain nombre de nouveaux militants qui étaient
venus au SSP via le travail autour du G8 et des activités
anti-guerre – ces mêmes activités qui avaient
été
rejetées de façon répétées comme
non pertinentes et marginales par la direction de l'organisation.
C'était largement par le contact avec des membres de la
plate-forme Socialist Worker qu'ils avaient rejoint le SSP; ils
étaient plutôt jeunes et non-sectaires. Mais ils
voyaient leur état d'esprit peu reflété dans le
journal du parti ou aux réunions de sections. En fait ils
avaient rejoint un parti en déclin, contrôlé par
une couche bureaucratique qui voyait la croissance par le mouvement
comme une « dilution ».
L'esprit de la
conférence n'a eu aucun impact sur le comité
exécutif.
La réalité était que le soutien pour le SSP dans
le pays déclinait – une série d'élections
partielles locales et parlementaires en 2006 avaient montré la
minceur de ce soutien à présent, avec des descentes
dans certains cas au-dessous des 2% des voix. Le processus de
préparation pour les élections écossaises de mai
2007 aurait déjà dû commencer, la sélection
des candidats aurait dû être entamée, des
campagnes locales auraient dû être démarrées.
Au lieu de cela, la direction du parti est restée
complètement
absorbée par la question de l'action en diffamation de Tommy
Sheridan, et a intensifié son activité fractionelle, en
continuant à défendre les arguments qui avaient
émergé
pour la première fois deux ans auparavant. Sheridan avait
été
élu président du parti par la conférence. Mais
la direction du parti n'était pas prête à
accepter la volonté expresse du parti. Au lieu de cela, elle
contre-attaqua, en lançant une nouvelle campagne de rumeurs
dans l'intention d'obliger Sheridan à abandonner son action en
justice, et en lui retirant de fait le soutien politique du parti
à
un moment critique.
Il y a un motif récurrent clair dans le comportement de la
direction du SSP au cours des trois dernières années,
dont les racines se trouvent plus loin dans l'histoire du SSP. Devant
l'épreuve des faits, à chaque occasion les personnes
qui contrôlaient le parti ont démontré que
l'intention déclarée d'avancer vers un nouveau genre de
formation politique ouverte, de masse, ne valait guère plus
que le papier sur lequel elle était écrite. Les
militants, dont le nombre déclinait au fil des jours, ne
contrôlaient pas et ne comprenaient pas ce qui se passait au
sommet. La méthode dominante restait sectaire envers la classe
et bureaucratique envers les militants. Loin de s'engager dans le
mouvement en Écosse et d'en gagner la direction, le SSP est
resté en retrait du mouvement, a refusé d'oeuvrer pour
en gagner la direction, et l'a le plus souvent condamné pour
ses limites politiques.
Sheridan lui-même était
membre de la plate-forme ISM; ceux qui se sont retournés
contre lui étaient presque tous de proches alliés
politique jusqu'à très récemment. Ils se sont
à
présent retournés contre lui pour des raisons qui sont
beaucoup plus profondément politiques que personnelles.
Sheridan partage les racines politiques de la direction du SSP, mais
il a eu une influence majeure pour attirer le soutien de la classe
pour le parti grâce à son passé de militantisme
constant sur les questions de la guerre, des demandeurs d'asile et de
l'anticapitalisme. En 2003 son nom figurait sur le bulletin de vote
à
côté du logo du parti. Le projet pour lequel les gens
ont voté était inévitablement associé
dans l'opinion publique avec Tommy Sheridan. C'est pourquoi la
majorité des militants du parti représentés
à
un conseil national du parti en juin ont donné leur soutien
entier à Sheridan et rejeté les arguments tirés
par les cheveux présentés par la majorité du
comité exécutif pour justifier ce qui était vu
comme une trahison publique d'un dirigeant socialiste et du projet
qu'il représentait.
Un argument présenté par la direction était
que la question principale était la question de genre et non
la question de classe. Sheridan lui-même a suggéré
que le conflit prenait place entre ce qu'il caractérise comme
« la politique de genre » et « la
politique de classe ». Ce n'est pas nécessairement
une caractérisation que nous accepterions, en particulier
parce que nous concevons la lutte contre l'exploitation de classe et
pour la libération des femmes comme intimement liées.
Néanmoins, la domination d'idées féministes dans
une section du parti l'a amenée à voir la question
centrale comme étant le comportement personnel de Sheridan
plutôt que les attaques de News International contre un
dirigeant socialiste.
Le SWP a pu clarifier sa compréhension
de la véritable tradition marxiste sur la libération
des femmes via un combat fractionnel long et parfois âpre au
début des années 1980 autour de la question de
l'organisation « autonome » des femmes. Par
contraste, ce type de débat n'a pas eu lieu au sein de
Militant, qui était en fait bien connu dans la gauche des
années 1970 et 1980 pour ses dénonciations du mouvement
pour la libération des femmes comme
« petit-bourgeois ».
C'est peut-être une conséquence de cette expérience
qui a amené des dirigeants du SSP qui sont d'anciens militants
ou sympathisants de Militant de faire un « virage à
180° » pour accepter de manière acritique
beaucoup d'idées féministes. Ce type de positions peut
mener par exemple à l'article de la députée
Carolyn Leckie (qui ne vient pas de Militant) dans le Sunday Herald
ou elle écrit que le SSP a pris le conflit des travailleurs de
la petite enfance moins au sérieux que d'autres conflits parce
qu'il impliquait des femmes. C'était une calomnie scandaleuse
envers les nombreux camarades du SSP, hommes et femmes, qui sont
allés soutenir les piquets de grève de façon
quotidienne et particulièrement inexact en ce qu'une
importante base de soutien pour Sheridan vient des travailleuses et
travailleurs de la petite enfance qui ont rejoint le parti grâce
à son soutien pour leur grève !
Pour la majorité des militants il était clair
que le procès n'aurait jamais eu lieu si certains membres du
comité exécutif n'avaient pas essayé d'utiliser
l'affaire pour éloigner Sheridan de son rôle dirigeant.
Les raisons étaient toujours politiques – à la
racine, un conflit entre deux visions différentes du parti.
Tommy Sheridan n'a pas défendu un engagement plus large dans
le mouvement devant ses collègues, et jusqu'à
relativement récemment il n'a pas critiqué ouvertement
le sectarisme qui s'intensifie au sein du parti. Pourtant pour un
nombre substantiel de militants du parti, et beaucoup d'autres
en-dehors du parti, du fait de son activité constante et de
son association publique avec la campagne contre la guerre, à
plusieurs niveaux il s'est mis à représenter le genre
de parti large, militant, que le SSP aurait dû devenir. La
décision de membres du parti à une réunion de
délégués subséquente fut qu'une
conférence nationale du SSP devrait être tenue dès
que possible après la fin du procès. Des motions
proposées à cette réunion disaient très
clairement que l'objectif de cette conférence serait de
remplacer la direction sortante par une nouvelle. Dans la plate-forme
Socialist Worker nous avons commencé à nous
préparer
activement à ce qui aurait pu être une occasion
importante de changer la direction du parti.
Dans les semaines
qui suivirent, cependant, il devint évident pour nous tous que
ceux qui contrôlaient le SSP n'allaient jamais permettre que ce
changement ait lieu. La campagne de dénigrement a
été
conduite dans la presse et les médias; elle était si
vile qu'un certain nombre de commentateurs ordinairement sans
sympathie pour lui commencèrent à le soutenir. Des
militants du parti opposés à la direction actuelle ont
reçu des notes anonymes dans leur courrier de parti, tandis
que d'autres étaient attaqués physiquement durant des
réunions de section. C'était là une indication
claire que la faction sectaire qui contrôlait toujours le parti
préférait le détruire que de relâcher leur
contrôle.
Il y avait encore une majorité claire de membres du SSP
engagés sur le projet qui nous avait rassemblés il y a
cinq ans; notre loyauté était envers ce projet, et pas
envers un parti qui ne proposait à présent qu'un
modèle
sectaire isolé des mouvements et claquemuré dans
l'abstraction, un parti qui continuait ses calomnies envers Tommy
Sheridan durant toute la période où le Liban était
en trait d'être détruit par les armes israéliennes.
Ce n'était pas là un débat mineur, mais une
différence d'orientation fondamentale.
Nous espérons que les forces qui sont décidées à construire une alternative socialiste de masse au New Labour, une formation anticapitaliste ouverte à tous ceux et à toutes celles qui s'opposent au capital mondial et à la guerre, peuvent à présent travailler ensemble pour constuire la nouvelle organisation Solidarity. C'était la base de la décision des membres de la plate-forme Socialist Worker de jeter nos forces et notre dévouement dans cette nouvelle organisation:
La plate-forme Socialist Worker reconnaît avec tristesse que le SSP n'est plus le parti de masse large et ouvert de la gauche que nous nous étions engagés à construire quand nous l'avons rejoint il y a cinq ans. Tandis que la guerre impérialiste s'intensifie et s'étend au Liban, et que le niveau de colère populaire et d'opposition grandit, le SSP s'est montré incapable de répondre à cette colère ou de lui donner une quelconque direction.
Le potentiel pour la construction
d'une organisation large et inclusive de la gauche Ecossaise est
aussi vaste que jamais. C'est le devoir des socialistes de
répondre
à ce potentiel et de le développer. Nous approuvons
l'initiative appelant à une réunion publique ouverte de
la gauche écossaise le 3 septembre à Glasgow pour
lancer Solidarity et nous contriburons activement à sa
construction, dans la conviction qu'elle peut représenter la
première étape dans la construction d'une nouvelle
formation politique qui pourra répondre aux besoins des
nombreux socialistes et militants d'Ecosse, une plate-forme de
lancement pour une nouvelle gauche écossaise qui sera ouverte,
démocratique, internationaliste et engagée dans la
construction d'un monde nouveau et meilleur.
(a) La grande majorité du CE ont été
membres de la tendance Militant. Trois membres étaient membres
de la plate-forme Socialist Worker, parmi lesquels moi-même. La
seule membre de notre plate-forme présente à la
réunion
de novembre 2004 a voté pour la décision appelant
Sheridan à déminssioner, mais elle a immédiatement
reconnu publiquement qu'elle avait eu tort.
1Ceci est une traduction de l'article paru dans la revue théorique trimestrielle du Socialist Workers Party britannique, International Socialism, numéro 112, Automne 2006. Le texte original est consultable sur Internet : http://www.isj.org.uk/index.php4?id=247&issue=112 (NdT)
2La plupart des syndicats britanniques sont affiliés au parti travailliste, qui est historiquement leur émanation. Depuis quelques années, quelques syndicats se sont désaffiliés du parti travailliste et se sont affiliés à des partis à sa gauche comme le SSP. (NdT)
3Environ 45 000 euros. (NdT)
4Il s'agit vraisemblablement de l'article de Donnie Nicolson, The SSP and the anti-capitalist movement dans Frontline première série, numéro 18, consultable sur Internet : http://www.redflag.org.uk/frontline/18/18donnie.html (NdT)