Le dossier: le SWP et Respect
Samedi
3 Novembre 2007
Une attaque contre la gauche dans
Respect
George Galloway a lancé une
série d'attaques sur le Socialist Workers Party dans des
documents récents et des interventions dans des réunions.
Il a essayé de convaincre des gens de signer une pétition
proclamant: 'Respect est en danger d'être complètement
détruit par la direction du Socialist Workers Party',
prétendant que le SWP tente de contrôler l'issue de la
conférence de Respect en 'bloquant des délégués'
à Birmingham, d'une part, et en élisant des délégués
'dans des réunions complètement non représentatives'
à Tower Hamlets, d'autre part.
Dans une réunion à Tower Hamlets il a prétendu que le SWP essayait de contrôler Respect 'par des méthodes de poupées russes' et déclaré que Paul McGarr et Aysha Ali (tous deux membres locaux du SWP) étaient des 'poupées russes'.
Ces allégations sont complètement fausses. Elles peuvent être réfutées très simplement, en parlant à des membres non-SWP de Respect, ainsi qu'aux militants du SWP contre lesquels elles sont dirigées. Le but de ces allégations n'est pas simplement de détruire toute opposition à l'orientation particulière dans laquelle Galloway veut diriger Respect - une orientation marquée à droite dans certaines zones où Respect a été lancé il y a quatre ans. C'est aussi pour salir le nom du Socialist Workers Party afin d'affaiblir notre capacité à jouer un rôle dans une campagne unifiée de la gauche.
Il est triste que quelqu'un comme
George Galloway, qui a été dans le passé le
gibier de tant de chasses aux sorcières de la part des médias
- et qui a toujours été défendu par le Socialist
Workers Party dans ces occasions - ait choisi d'attaquer une
organisation de gauche, utilisant le genre d'arguments qui a de tout
temps été utilisée par la droite contre la
gauche dans le mouvement ouvrier. Mais c'est ce qu'il a fait. Il a
dit à au moins une personne que 'c'est un combat contre le
trotskysme'.
Quelques-uns à gauche peuvent croire à ses mensonges. Mais les militants sérieux savent que nos membres ne se comportent pas du tout comme il le prétend, même si ces militants ne sont parfois pas d'accord avec notre politique. Parce que le Socialist Workers Party a une longue histoire de coopération, sur toute une série de questions, avec des gens et des organisations qui ont des opinions très différentes des nôtres.
C'est une chose qui est bien connue à gauche. Même Peter Hain, aujourd'hui ministre, rappelait récemment dans une émission de radio qu'il avait pu travailler harmonieusement avec nous dans l'Anti Nazi League à la fin des années 1970. Il décrivait notre parti comme étant la force motrice dynamique en son sein, ajoutant que nous étions capables de coopérer avec des membres fidèles du parti travailliste. Aujourd'hui des membres de notre comité central jouent un rôle dirigeant dans la coalition Stop the War, côte à côte avec des membres du Labour comme Tony Benn et Jeremy Corbyn, ou avec Andrew Murray, membre du Parti Communiste britannique, et avec des sans-parti.
Un passé d'unité dans la lutte et d'argumentation ouverte et honnête
Ce n'est pas hasard que nous avons une
telle réputation. C'est parce que nous suivons la méthode
du front unique telle qu'elle a été élaborée
par Lénine et Trotsky au début des années 20 et
développée plus avant par Trotsky lors de la montée
du nazisme au début des années 30. Cette méthode
est basée sur le contraire de la manipulation des votes et de
la magouille.
La méthode du front unique vient
de la reconnaissance que l'exploitation, la guerre et le racisme
nuisent à la masse des travailleurs, qu'ils soient convaincus
de l'efficacité de la réforme pour changer le monde ou
qu'ils pensent, comme nous, que la révolution est le seul
moyen de mettre fin à la barbarie. Cela comporte deux
conséquences importantes.
a) la possibilité de
répliquer à des attaques particulières et à
des infamies dépend de l'unité la plus large possible.
La minorité des révolutionnaires ne peut pas, de ses
seules forces, construire un mouvement suffisamment grand. Nous
devons chercher à amener à la lutte sur ces questions
des forces politiques qui sont d'accord avec nous sur des problèmes
particuliers immédiats, même si elles ne sont pas
d'accord avec nous sur les solutions globales à long terme
pour les résoudre.
b) en luttant sur ces questions avec des gens qui croient en la réforme, la minorité révolutionnaire peut montrer dans la pratique que son approche est la bonne, et gagner des gens à ses idées. Comme l'a écrit Rosa Luxemburg il y a plus d'un siècle, la compréhension révolutionnaire du besoin de s'opposer au système en place est le meilleur moyen d'arracher des réformes, même maigres.
C'est sur la base de cette
compréhension que tout au long de son histoire le SWP et son
prédécesseur, les International Socialists, ont
coopéré avec d'autres organisations et individus - de
la Campagne de solidarité avec le Vietnam à la fin des
années 60, en passant par l'Anti-Nazi League, à la fin
des années 70 et à nouveau au milieu des années
90, le Comité de Soutien des Mineurs en 1984 - jusqu'à
la Coalition Stop the War et Unite Against Fascism aujourd'hui. C'est
la même approche qui nous a portés à initier une
campagne pour la défense d'Arthur Scargill au début des
années 1990, lorsqu'il était l'objet d'une chasse aux
sorcières calomnieuse de la part des médias et de la
droite du Labour - et que la plus grande partie de la gauche ne
faisait rien pour le défendre.
Bien sûr, il y a eu des moments
où des gens ont tenté de nous salir en tant que
socialistes révolutionnaires. Mais la boue n'a jamais tenu
parce que nous n'avons aucun intérêt pour la
manipulation. Nous ne pouvons pas lutter sans persuader d'autres
forces de se battre à nos côtés, et nous ne
pouvons gagner certains d'entre eux à notre vision sans une
argumentation raisonnée. On sait que nous avons toujours été
clairs sur notre politique, en même temps que nous nous
efforcions de construire l'unité avec ceux qui ne sont pas
d'accord avec nous. Ils savent que nous ne tentons pas d'introduire
nos idées en fraude ou de les imposer aux autres.
Nous
n'avons aucun intérêt aux manipulations dans la mesure
où cela serait contraire aux deux buts que nous avons dans le
front unique. Cela restreindrait le front unique à la minorité
de ceux qui sont déjà révolutionnaires,
l'empêchant ainsi d'être efficace. Et cela nous
empêcherait de pouvoir montrer en pratique à ceux qui ne
sont pas révolutionnaires que nos idées sont meilleures
que les diverses versions du réformisme. Cela équivaudrait
à vouloir brûler les étapes.
Cela ne signifie pas que nous ayons
renoncé à nous organiser dans le but de proposer notre
politique dans le front unique. Quiconque ayant une approche
politique, réformiste, révolutionnaire ou même
anarchiste, essaie en pratique de faire triompher ses convictions,
même si certains tentent parfois de le nier. Nous avons
toujours considéré la discussion comme quelque chose
d'important pour gagner des gens à une politique susceptible
de faire du front unique quelque chose d'efficace.
Ainsi, en
fondant l'ANL en 1978 nous avons dû argumenter avec ceux qui,
dans de nombreux comités antiracistes locaux, ne voyaient pas
comme une priorité centrale la nécessité de
s'opposer aux nazis du National Front. A nouveau, certaines
célébrités, qui avaient au début soutenu
l'ANL lorsque la lutte consistait essentiellement en joyeuses
festivités antinazies, annoncèrent qu'elles se
retiraient lorsque la question se posa de s'opposer à la
domination des nazis dans les rues. Si le SWP en tant que parti
n'avait pas discuté avec des militants dans tout le pays pour
défendre les positions que nous développions, l'ANL
n'aurait jamais été capable d'infliger au National
Front la défaite dévastatrice qu'il a subie.
La même chose s'applique, 23 ans
plus tard, lorsque la coalition Stop the War a été
formée après une réunion centrale très
réussie à Londres, initiée par le SWP mais
incluant d'autres éléments comme George Monbiot, Jeremy
Corbyn, Bruce Kent et Tariq Ali à la suite du 11 septembre et
au début des bombardements sur l'Afghanistan. La première
réunion d'organisation après cela fut proche d'une
foire d'empoigne sectaire dans laquelle divers petits groupes
essayaient d'imposer leurs revendications particulières. C'est
seulement la capacité du SWP, comme organisation, à
agir pour rassembler des forces constructives autour de
revendications minimales sur lesquelles nous étions tous
d'accord, qui a permis à la coalition d'aller de l'avant. Si
certaines des exigences sectaires avaient été
satisfaites (comme traiter l'Islamisme comme un ennemi aussi
important que l'impérialisme américain) Stop the War
aurait été un enfant mort-né.
Nos
camarades ont du argumenter pour une approche qui comporte le maximum
de gens impliqués dans le mouvement, sans diluer d'aucune
façon son opposition à la guerre déclarée
par les gouvernements anglais et américain. Les membres du
SWP, loin de se comporter comme des 'poupées russes', ont posé
leur capacité à déterminer à travers les
débats dans notre organisation ce qu'il fallait faire, et y
gagner d'autres, comme condition de la création d'une des plus
efficaces organisations de campagne unitaire dans l'histoire de
l'Angleterre. Cela n'a pas empêché un petit groupe, lors
de la deuxième réunion d'organisation, de nous dénoncer
comme prêts à 'noyauter' la coalition, usant souvent du
langage que nous regrettons de voir Galloway utiliser contre nous
aujourd'hui. A cette occasion, bien d'autres personnes qui étaient
sérieusement engagées contre la guerre ont pu voir que
c'était absurde et que nos arguments étaient
corrects.
Dans une incarnation précédente,
George Galloway ne tarissait pas d'éloges sur le SWP, vantant
notre capacité à faire des choses, comme construire un
mouvement antiguerre sur une base large mais avec des principes, un
mouvement dont il devait bientôt devenir un des dirigeants.
Maintenant il semble penser que son intérêt est de
soutenir ceux qui veulent nous expulser de Respect.
La politique de construction de
Respect
Cette méthode du front unique a sous-tendu
en permanence notre démarche dans Respect.
En 2003, le mouvement antiguerre était
à son point culminant. Nous avions vu, non seulement la
manifestation de 2 millions de personnes le 15 février, mais
aussi toute une série de défilés rassemblant
plus de 300.000 participants. De nombreux militants en ont tiré
la conclusion que le mouvement avait besoin d'une expression
politique, anti-blairiste.
Nous partagions ce
sentiment général. Mais nous étions également
conscients du besoin plus large d'une focalisation politique sur la
gauche du parti travailliste. Si cela ne se concrétisait pas,
la déception créée par le Labour pouvait finir
comme elle l'avait fait de façon répétée
tout au long du vingtième siècle, lorsque la
démoralisation à gauche et dans la classe ouvrière
relançait le balancier à droite au bénéfice
des conservateurs, ou pire, des groupes nazis. Notre devoir envers la
gauche dans son ensemble était de créer une alternative
électorale crédible au New Labour. C'est ce que nous
avions essayé, avec un succès très limité,
de mettre en œuvre sous les auspices de la Socialist Alliance.
Désormais, nous nous rendions compte que le sentiment
antiguerre ouvrait des possibilités bien plus grandes pour
aller dans le même sens.
La focalisation à
gauche, sans se positionner comme révolutionnaire, devait
tenter d'attirer les diverses forces du mouvement antiguerre - les
révolutionnaires, bien sûr, mais aussi des partisans
déçus de la gauche du parti travailliste, des
syndicalistes, des militants musulmans radicaux, et des gens du
mouvement pour la paix. C'était un projet qui n'avait de sens
pour nous que s'il pouvait impliquer un grand nombre de personnes qui
n'étaient pas d'accord avec nous sur la question réforme
ou révolution.
Dans ce but, des représentants
de notre direction se sont engagés dans des discussions
ouvertes et franches avec d'autres personnes intéressées
par le projet. Puis l'exclusion de George Galloway du Labour Party a
précipité la mise en oeuvre du projet.
Notre
approche était celle du front unique. Nous acceptions un
ensemble minimal de points qui étaient le maximum que nos
alliés - et des milliers de gens mobilisés par
l'opposition à la guerre - puissent accepter, mais qui
étaient totalement compatibles avec nos propres buts à
long terme. Et donc le nom qui fut donné à la nouvelle
organisation, Respect - la coalition unitaire, était en deçà
de la position complètement socialiste révolutionnaire
que nous aurions préférée dans l'idéal,
mais qui aurait rebuté ceux qui voulaient une espèce
d'alternative antiguerre, antiraciste et anti-néolibérale
au New Labour. Les initiales de Respect résumaient ces points:
Respect, Egalité, Socialisme, Paix, Environnement, Communauté
et Trade Unions - avec le socialisme clairement identifié
parmi eux.
Respect ne s'est pas constitué
de façon automatique. A nouveau, il a dû y avoir une
lutte politique pour faire décoller ce front unique, et le SWP
a joué dans cette lutte un rôle essentiel pour faire en
sorte d'obtenir l'unité la plus large possible. Il fallait
qu'il y ait un débat politique à l'intérieur du
SWP (avec quelques camarades, lors d'une réunion nationale de
délégués du parti en janvier 2004, qui étaient
opposés au projet ou à son appellation). Nos membres
devaient aussi argumenter plus largement, avec des gens sensibles à
l'islamophobie qui avaient des objections au travail avec des
musulmans. Nous devions aussi discuter avec des gens d'extrême
gauche qui avaient des problèmes avec George Galloway, disant
que son passé le disqualifiait (il n'avait, par exemple,
jamais été membre du groupe parlementaire de la
campagne et avait refusé que les députés de
Respect touchent une indemnité non supérieure au
salaire moyen).
Nous disions que ce qui était
important à ce moment n'était pas ce qu'il avait ou
n'avait pas fait dans le passé, ou quel devait être le
salaire d'un parlementaire. La chose fondamentale, c'est qu'il avait
été exclu du parti travailliste comme le député
qui avait, plus que tout autre, fait campagne contre la guerre. En
tant que tel, il était à ce moment-là un
symbole, pour un grand nombre de personnes qui avaient dans le passé
regardé du côté du Labour, de l'opposition à
l'engagement du New Labour dans la guerre américaine. Et
précisément parce que le SWP était une
organisation nationale cohérente, il était capable de
mener cette discussion dans tout le pays comme aucune des autres
formations impliquées dans la formation de Respect. Galloway
était clairement d'accord avec cela lorsqu'il a accepté
avec enthousiasme que John Rees soit candidat au secrétariat
national de Respect, de même que Peter Hain et d'autres avaient
autrefois accepté un membre du comité central du SWP
comme secrétaire national de l'Anti Nazi League. Tous deux
reconnaissaient qu'une organisation 'léniniste' pouvait lutter
pour construire l'unité parmi des gens venant d'horizons
politiques différents comme un groupe informel d'individus ne
pouvait le faire.
Nous n'avons cessé depuis de
démontrer notre engagement dans ce sens. Ainsi, lors des
élections de 2004 au parlement européen et à
l'assemblée de Londres, nous nous sommes efforcés de
faire en sorte que les listes de Respect soient plus larges que
celles du SWP, même dans des zones où les membres du SWP
formaient une large proportion des militants de Respect. Il y a eu
parfois des débats houleux au sein du SWP sur le fait que des
éléments extérieurs au SWP devaient être
candidats. Nous estimions que c'était indispensable pour faire
de Respect une véritable 'coalition unitaire' de la gauche
anti-Labour. En harmonie avec cette approche, nous avons consacré
la même énergie pour George Galloway dans l'élection
au Parlement Européen que pour Lindsey German sur la liste
GLA. Et nous nous sommes impliqués avec la même ardeur
lors d'élections législatives partielles l'été
passé pour Yvonne Ridley à Leicester que pour John Rees
du SWP à Birmingham. C'est le désir des membres du SWP
d'œuvrer ainsi avec d'autres dans ce sens qui a produit le premier
succès électoral de Respect à Tower Hamlets, où
le syndicaliste local Oliur Rahman a été élu
conseiller avec 31% des suffrages, suivi de près par Paul
McGarr, membre du SWP, battant le candidat New labour dans le secteur
essentiellement blanc de Millwall avec 27% des voix. Personne ne
parlait de poupées russes à l'époque.
Lors
des élections législatives de 2005 la diversité
de Respect à Tower Hamlets et Newham a trouvé une
expression dans les candidatures pour les sièges de la
circonscription - une femme du SWP, deux personnes non membres du SWP
d'origine musulmane, et George Galloway. Les membres du SWP ont
montré leur engagement dans Respect comme coalition large en
s'impliquant pour tous les candidats, en particulier pour Galloway. A
Birmingham nos militants ont fait campagne pour Salma Yaqoob.
Même
chose pour les élections municipales (council elections)
de 2006. Nous nous sommes battus pour nous assurer que les listes de
candidats étaient mixtes en termes d'ethnicité, de sexe
et de confession. A Birmingham, Respect a présenté cinq
candidats - deux femmes musulmanes, un homme musulman, une femme
noire et une femme blanche du SWP. A Tower Hamlets et Newham, les
membres du SWP ont argumenté en faveur de candidatures mixtes
musulmans et non-musulmans chaque fois que c'était possible,
et d'autres personnes ont accepté l'argument.
Les résultats des élections
ont été un grand succès pour Respect dans ces
endroits, avec 26% des voix et trois sièges de conseillers à
Newham, 23% des voix et 12 sièges à Tower Hamlets, et
un siège pour Salma Yaqoob à Birmingham.
La défense de Respect en tant que projet pour la gauche
Mais comme avec l'Anti Nazi League à
la fin des années 70 et Stop the War en 2001, le succès
même de Respect a créé des problèmes
politiques - et les membres du Socialist Workers Party, dans des
réunions et des conférences, ont dû trouver des
moyens d'y faire face.
L'un des moyens était les
résultats eux-mêmes. Les candidats élus étaient
tous d'origine musulmane, malgré le vote substantiel de la
classe ouvrière blanche pour Respect et les deux cents voix
qui ont empêché des candidats non musulmans de gagner à
Tower Hamlets. Cela a amené des adversaires de Respect à
répandre l'idée que c'était un 'parti musulman'.
L'autre problème était que le succès électoral
menait à quelque chose de familier à ceux qui avaient
été dans le passé actifs dans le Labour Party
mais qui était complètement neuf pour la gauche non
travailliste - la politique électoraliste opportuniste
commençait à dominer Respect.
Il
y a même eu des cas dans lesquels des personnes ont dit que si
elles n'étaient pas désignées comme candidates
de Respect elles se présenteraient sous une autre étiquette
- et l'un des conseillers de Respect à Tower Hamlets est passé
au Parti Travailliste après avoir été élu.
Pour ces gens, le modèle
politique était celui qui est de plus en plus utilisé
par le Labour dans des zones urbaines ethniques et religieuses mixtes
- promettant des faveurs à ceux qui posent comme 'dirigeants
communautaires' de groupes ethniques ou religieux particuliers s'ils
utilisaient leur influence pour faire voter dans le bon sens. C'est
ce qu'on appelle la politique de Tammany Hall dans les grandes villes
américaines, ou le 'bloc de vote' ou la politique
'communautariste' lorsqu'elle est pratiquée par tous les
partis capitalistes dans le sous-continent indien. C'est une chose à
laquelle la gauche a toujours essayé de résister.
Nous
recherchons le soutien des gens parce qu'ils veulent se battre contre
l'oppression et pour un monde meilleur, pas parce qu'ils représentent
un groupe.
Mais il est apparu dans le courant de 2006 et 2007 qu'il y avait des gens prêts à utiliser ces méthodes dans le but de conquérir des positions dans Respect. Il y a eu des cas dans lesquels beaucoup de personnes rejoignaient Respect juste avant une réunion de sélection, votaient dans un certains sens, et on les revoyait jamais lorsque leur candidat n'était pas désigné. A Tower Hamlets, on a vu une poignée d'individus faire adhérer un grand nombre de personnes.
Puis est venue la sélection des
candidats de Respect à Birmingham en février 2007. La
liste équilibrée de l'année précédente
disparut, sept hommes d'âge mur d'origine pakistanaise étant
choisis pour les sièges 'cibles' dans lesquels on pensait que
le candidat de Respect avait des chances. Dans une circonscription,
Moseley & Kings Heath, 50 personnes ont adhéré dans
la semaine précédant la réunion, et un
consultant en recrutement a été choisi au lieu d'une
femme membre du SWP. Il était clair que certains militants de
Respect étaient tombés dans le piège de croire
qu'il pouvait progresser en faisant ce que nos adversaires nous ont
toujours faussement accusés de faire - en agissant comme un
parti sans ancrage de classe dont les horizons sont limités à
la représentation d'une seule 'communauté'. Par la
suite, la sœur d'un de nos membres, d'origine pakistanaise, déclara
qu'elle ne voterait plus pour Respect parce que c'était devenu
un parti 'communautariste'. Il ne faisait aucun doute que le New
labour ou les LibDems avaient lancé cette calomnie, comme
certains épisodes sur le terrain ont semblé le
confirmer. C'est une ville qui est mixte sur les plans ethnique et
religieux. Présenter une liste à dominante pakistanaise
nous mettait en danger de nous couper de la construction d'une
coalition qui pouvait séduire des gens de toutes
origines.
Les socialistes ayant des principes ne pouvaient
faire autrement que de s'élever contre de telles pratiques,
qui représentaient une déviation fondamentale, de la
part de sections de Respect, des principes minimaux faisant l'objet
de l'accord sur lequel il avait été fondé - une
déviation aboutissant à mettre l'électoralisme
au dessus de tous les autres principes, une déviation qui ne
pouvait que faire dériver Respect à droite. C'est dans
ces circonstances que Socialist Worker a publié un court
article critiquant ce qui se passait à Birmingham, et, une
semaine plus tard, une lettre de Salma Yaqoob les défendant.
Des
développements à Tower Hamlets ont aussi contraint les
socialistes à prendre position. Il y eut bientôt une
discussion dans le groupe Respect nouvellement élu sur le
point de savoir quelle politique il suivrait au conseil. Certains
d'entre eux, à ce stade personne du Socialist Workers Party,
ont objecté contre ce qu'ils considéraient comme une
dérive à droite de la majorité du groupe et leur
incapacité à utiliser leur situation pour faire de
l'agitation et de la propagande pour les positions de Respect.
Les problèmes sont devenus plus aigus à la fin de l'été 2007, lorsqu'un des conseillers de Respect a démissionné de son siège à Shadwell. Il y avait une réunion de sélection qui devenait houleuse lorsque une jeune femme, Sultana Begum, osa s'opposer à Harun Miah, et les membres du SWP décidèrent qu'elle avait l'état d'esprit combatif qui représentait le mieux ce que Respect devrait être. Ce choix est l'un des prétendus crimes mis à la charge du SWP par George Galloway dans sa première missive contre nous à la mi-août - même si les membres du SWP, après avoir perdu le vote, ont fait campagne pour que Respect gagne le siège. Notre véritable crime, semble-t-il, a été d'argumenter ouvertement et vigoureusement pour notre politique comme des socialistes révolutionnaires doivent le faire, et avons refusé d'être intimidés et de devenir des 'poupées russes' pour les amis de George Galloway.
Saint George et le dragon
trotskyste
Ce qui est mystérieux dans cette
version aux yeux de certains c'est pourquoi George Galloway s'est
retourné contre nous si nous n'avons pas commis de faute
sérieuse.
Nous ne pouvons que conjecturer sur ses motivations. Mais son passé est clair. Il s'est comporté de façon excellente immédiatement après son élection en allant au Sénat américain dénoncer la guerre devant les caméras de télévision du monde entier. Mais après cela, son rôle est devenu rapidement plutôt différent de la 'tribune des opprimés' que les gens de Respect attendaient d'un parlementaire si talentueux. Il y avait des plaintes selon lesquelles il laissait une grande partie de son travail de circonscription à Tower Hamlets à ceux qu'il rémunérait avec son indemnité parlementaire. Il remportait le record douteux d'être en cinquième position des parlementaires les mieux payés (après Hague, Blunkett, Widdecombe et Boris Johnson) avec 300.000 £ par an. Genre de tribun du peuple!
Il porta un coup fâcheux à
tous ceux qui préparaient la campagne de Respect pour les
élections locales de 2006 en disparaissant de la scène
politique pendant des semaines, pour apparaître dans la
méprisable émission de 'télé-réalité'
Celebrity Big Brother. Tous les partisans actifs de Respect
étaient confrontés au travail à des gens de
gauche qui leur disaient qu'ils ne voteraient jamais plus pour nous,
et des vannes de la part de nos ennemis à propos de chats (une
expression populaire en anglais pour désigner les riches est
'fat cat' - 'gros chat' - NdT).
Les socialistes
révolutionnaires du SWP devaient prendre une décision
sur l'attitude qu'ils devaient adopter en réaction à
ces faits. La pression était particulièrement forte
pendant les semaines de l'émission Big Brothers, des
membres dirigeants de Respect comme Ken Loach et Salma Yaqoob étant
désireux de le dénoncer.
Heureusement, en tant qu'organisation
'léniniste' de 'poupées russes' nous avions notre
conférence annuelle juste au moment où Big Brothers
commençait et réussîmes à nous mettre
d'accord sur une réaction générale, argumentée
par tous nos membres sur les lieux de travail, les collèges et
les écoles. Elle consistait à dire que passer à
Big Brothers était stupide, et une insulte à
ceux qui avaient travaillé pour qu'il soit élu. Mais
nous disions aussi que ce n'était pas la même chose que
de lancer des bombes pour tuer des milliers de personnes en Irak et
en Afghanistan. Nous devions par conséquent continuer à
le défendre contre les chasses aux sorcières
orchestrées par le New labour et les médias. Et pour le
défendre, nous l'avons défendu, dans des réunions
de la direction de Respect, dans un article de Socialist Worker
et par des déclarations à la télévision
de John Rees et d'autres. Nous n'avons, bien sûr, jamais été
remerciés par Galloway pour tout cela, pas plus que les
milliers de militants de Respect que nos arguments avaient convaincus
de rester fermes. Il est probablement honnête de dire que si le
SWP n'avait pas choisi, comme une question de principe, de le
défendre, Respect aurait connu une fracture désastreuse.
Cela
dit, il est indéniable que la farce Big Brothers a nui
à notre score électoral en mai. Galloway n'a jamais
admis les dégâts qu'il avait causés. Au
contraire, il semble convaincu que la gauche peut être
construite à partir des médias. Dans les mois qui ont
suivi le fiasco Big Brothers il a entamé une carrière
d'invité dans un talk show nocturne, assaisonnée
d'apparitions télévisées avec des gens comme la
petite-fille de la reine.
Et aujourd'hui il a le culot de
prétendre que le Socialist Workers Party est en train de
détruire Respect et que les gens doivent s'engager pour
l'aider à tuer le dragon du trotskysme.
Malgré
sa préoccupation croissante pour sa carrière médiatique
pendant la plus grande partie de l'année 2006 et la première
moitié de 2007, Galloway était toujours capable de nous
montrer à l'occasion qu'il n'a rien perdu de son talent pour
dénoncer l'impérialisme. Il était encore un
actif pour la gauche, même s'il était en baisse, et nous
avons, au SWP, réagi en conséquence. Nous n'avions
jamais imaginé qu'il se mettrait brusquement à nous
reprocher de résister à ceux qui poussaient des
sections de Respect dans la direction de l'opportunisme électoral.
De sorte que nous persistions à essayer de l'avoir comme
intervenant à des tribunes de Respect, même si ses
engagements médiatiques limitaient sa disponibilité, et
à le défendre contre de nouvelles chasses aux sorcières
du Lew Labour.
Puis il est brusquement passé à
l'attaque avec le document de la mi-août, dont toute personne
capable de lire entre les lignes pouvait voir qu'il était
dirigé contre nous. Le document est apparu lorsque le New
labour s'est mis brusquement à évoquer la possibilité
d'élections anticipées en octobre. Galloway avait dit,
deux ans et demi plus tôt, qu'il ne se représenterait
pas à son siège de Bethnal Green & Bow. Mais il
montrait, à l'époque, un désir de se présenter
dans l'autre circonscription de Tower Hamlets. Pour cela il devait
gagner des votes.
Aussi son document était-il en partie
basé sur des arguments électoraux. Respect n'avait pas
eu de bons résultats dans l'élection partielle d'Ealing
& Southall. Cela pouvait être expliqué, pour des
gens dont l'analyse politique était sommaire, par le timing
(elle fut décidée avec deux semaines et demi de délai),
par le fait qu'elle se situait au milieu du court 'état de
grâce' de Brown comme nouveau premier ministre, et par notre
manque de racines dans le secteur. Mais Galloway la mettait en
opposition avec le succès de Respect lors de l'élection
partielle de Shadwell et en tirait la conclusion que la seule façon
de gagner des sièges était de suivre les méthodes
qui avaient commencé à s'implanter à Birmingham
et dans certains endroits à Tower Hamlets. Il n'y avait aucun
avenir dans l'utilisation d'arguments de classe ou d'opposition à
la guerre (malgré la réussite des membres du SWP
Michael Lavalette et Ray Holmes aux élections de mai) et il
fallait se tourner vers les 'dirigeants communautaires' et les
courtiser. Le Socialist Workers Party résistant à ce
tournant, il devait être attaqué, en même temps
que les tentatives que nous avions encouragées de rechercher
de nouveaux supporters dans le cadre de la conférence
d'Organisation pour des Syndicats de Combat (Organising for
Fighting Unions).
Lorsque le SWP et les conseillers de
gauche se sont défendus, il nous a accusés d'agression.
Lors d'une réunion tenue la troisième semaine d'octobre
à Tower Hamlets il a dit à certains de nos membres
(parmi lesquels son agent électoral de 2005) d'aller 'se faire
foutre' ('fuck off'). Certains de ses partisans ont fait
clairement comprendre qu'ils avaient l'intention de nous virer de
Respect. A partir de ce moment il n'y avait plus qu'un seul moyen de
conserver Respect en vie dans sa forme originale - que les
conseillers de gauche et nous-mêmes continuent la lutte
quotidienne en respectant la discipline.
Il y avait, dans
toute cette désolante saga, une chose particulièrement
triste pour nous. C'était que trois membres du SWP - dont deux
anciens, le troisième étant une recrue plus récente,
ancien membre de Militant - non seulement aient choisi de s'aligner
sur George Galloway, mais aussi contribuent à orchestrer les
attaques contre le SWP et les conseillers de Tower Hamlets. Nick
avait au début accepté la décision du comité
central selon laquelle il ne devait pas prendre le poste
d'organisateur national de Respect, puis, dans des circonstances
mettant en évidence son alignement sur la clique de George
Galloway, a tourné casaque.
Nous n'avions pas d'autre choix que de
nous séparer de ces trois camarades, mettant un terme à
leur appartenance au SWP.
Et maintenant ?
Une
lutte pour Respect est en cours. Les deux ou trois semaines
qui viennent seront décisives quant à son résultat.
Ce n'est pas une lutte sur des
personnalités, mais une lutte politique. Essayons-nous de
construire un foyer politique pour tous ceux qui, à gauche,
sont dégoûtés par la politique du New Labour? Ou
le laissons-nous se réduire à une organisation faisant
la promotion de quelques carrières politiques - et d'une
carrière médiatique - dans deux localités?
Nous
sommes déterminés à lutter pour que Respect
reste tel qu'il a été conçu à l'origine
et pour que son avenir soit décidé démocratiquement
lors de sa conférence nationale de novembre. Cette lutte est
importante pour montrer, une fois de plus, que les socialistes
révolutionnaires sont capables, non seulement de se battre
pour leurs propres principes, mais aussi de défendre la notion
d'unité dans la lutte, sur des buts particuliers, de tous ceux
qui souffrent des horreurs de la société existante.
Nous savons qu'il y a beaucoup de gens dans les syndicats qui ont
regardé du côté des travaillistes dans le passé
et qui envisagent aujourd'hui de rompre avec lui. Nous savons que
malgré des annonces nécrologiques répétées
dans les médias, le mouvement antiguerre est vivant et bien
vivant. Nous savons qu'il y aura des luttes, dans les trois
prochaines années, contre les tentatives de Gordon Brown de
réduire le pouvoir d'achat des travailleurs du secteur public.
Nous devons garder vivante l'idée des fronts uniques pour
défendre les acquis, et rassembler les gens les plus actifs
dans tous ces fronts pour construire un point de ralliement pour la
gauche, dans lequel révolutionnaires et non révolutionnaires
peuvent agir ensemble.
Pour cette seule raison, nous devons
être fermes dans notre défense de Respect tel qu'il
était destiné à être, contre les
tentatives de le déformer.