Eleanor Burke Leacock 1922-1987
E. Leacock était une anthropologue qui a étudié les peuples du Nord-Est du Canada et de là les sociétés égalitaires et l’évolution de leur culture, à travers l’exemple des Innus (http://fr.wikipedia.org/wiki/Naskapis)
Le genre dans les sociétés égalitaires
Introduction :
Les représentations populaires des relations hommes-femmes dans la société primitive sont résumées par l’ « homme des cavernes » porteur de massue de la BD du New Yorker qui tire sa femme derrière lui par les cheveux. A un niveau plus élevé, supposé scientifique, les écrits de Robert Ardrey, Desmond Morris et leurs semblables renforcent cette image1. Derrière l’hilarité due au dessin, ou derrière n’importe quelle image tissée à partir du bric à brac ethnographique sorti du contexte, le message reste toujours le même : les êtres humains ont toujours été agressifs et compétitifs, et les hommes l’étant plus que les femmes, ont toujours été dominants. Le thème se répète avec des variations : notre nature « animale » ou « primitive » reflète la « loi de la Jungle » par laquelle la puissance crée le droit parce que la nature humaine fondamentalement brutale – c’est ainsi qu’on l’explique—subsiste sous le fin vernis de civilisation avec sa Règle d’Or « Fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent » et la valeur de notre culture prétend se baser sur la vie humaine et l’individu. Quand, cependant, nous pesons les informations de l’anthropologie sociale et physique, de l’archéologie et de la primatologie dans leur totalité, plutôt que dans une sélection arbitraire, elle nous racontent une autre histoire. Socialisation, curiosité, esprit ludique, et non la compétitivité sûre d’elle-même et l’agressivité, ont permis aux créatures petites et sans défense d’évoluer vers l’être humain qui a créé de nombreuses manières de vivre dans le monde.
La socialisation, c'est-à-dire le désir fort de se rapprocher de ceux de sa propre espèce, et l’intérêt débordant envers eux caractérise nos ancêtres primates. Combattre et gaspiller apparaissent comme subsidiaires, pas fondamentaux. L’humanité n’a pas évolué, comme le postulait Hobbes, depuis un ancêtre agressif de façon innée. Avec du recul, il est clair qu’elle ne pouvait pas faire ainsi. La base de cette évolution réussie fut la vie de groupe qui à la fois nécessitait et rendait possible les comportements coopératifs. En conséquence, la coopération a mené au développement des outils et ustensiles sophistiqués et de l’élaboration du langage2. Elle en dépendait aussi d’ailleurs, parallèlement.
On a beaucoup écrit sur le fait que nos ancêtres primates se tournaient vers la chasse pour ajouter un supplément à la cueillette de nourritures végétales. On lit que le fait de tuer un animal , stade primitif de l’histoire humaine a mené à des conduites agressives profondément ancrées. L’argument a été persuasif, spécialement depuis qu’on l’utilise pour rationaliser les conduites de domination des politiciens ambitieux et des financiers puissants qui les soutiennent, en leur reprochant leurs actions au nom de la nature humaine. Les gens oublient que, chez les animaux, tuer les autres espèces ne mène pas à tuer la sienne propre et que tuer sa propre espèce est humain. On doit s’interroger : Quelle signification actuelle a le fait de tuer des animaux pour les peuples qui dépendent de la chasse pour vivre ?
Quelques peuples, non atteints par l’industrialisation jusqu’à récemment vivaient largement de la cueillette de végétaux sauvages et de la chasse. Ils valorisaient les talents de chasseurs, mais l’agressivité telle que nous la connaissons dans nos sociétés était dépréciée . La chasse était un travail spécialement pénible, certainement aussi parfois un défi excitant, mais aussi une corvée. Le sentiment envers les animaux tués, surtout les plus gros, ne ressemblait pas à notre fierté égoïste de conquête. Il révèle au contraire des attitudes de gratitude et de respect. Des dieux animaux étaient honorés assez souvent et dans les contes, hommes et animaux avaient une interaction très proche ; ils se mariaient entre eux, donnaient naissance les uns aux autres, s’enseignaient mutuellement, et passaient des accords pour sceller leurs relations. Ces peuples coopéraient pour obtenir de la viande et partageaient les animaux obtenus. Depuis les Bushmen chasseurs-cueilleurs du désert du Kalahari en Afrique du Sud-Ouest jusqu’aux Eskimos chasseurs de mammifères marins, les arrangements sociaux des peuples chasseurs étaient similaires. Le sociétés qui vivaient de cueillette et de chasse(et pêche) étaient coopératives. Les gens partageaient la nourriture et pensaient de l’avidité et de l’égoïsme ce que nous pouvons penser des comportements de malades mentaux ou de criminels. Ils fabriquaient et donnaient de la valeur à leurs possessions, mais autant pour les donner que pour les garder.
Les gens ne suivent pas un leader unique, mais participent à l’élaboration des décisions—des codes marquaient l’importance de taire les animosités et de restreindre jalousie et colère. Parfois l’inimitié personnelle était ritualisée comme dans le duel au tambour des Eskimos, ou deux adversaires se hurlent des insultes l’un après l’autre en chansons. Les gens se critiquaient l’un l’autre par la plaisanterie ou la taquinerie, ce qui menait à des éclats de rire auxquels se joignait même la personne critiquée. Quand des combats sérieux menaient à blesser ou tuer une personne, on recherchait l’expiation plus que le châtiment. La guerre était rare, voire inconnue. Quand cela arrivait cela prenait la forme de raids rapides, pas de conflits organisés pour des territoires, des esclaves ou un tribut Deux peuples chasseurs ont récemment été filmés et on a écrit sur eux : les gentils et chaleureux chasseurs de singes Tasaday des Philippines et les inamicaux et compétiteurs désespérés Iks du Kenya3. Ce sont les Tasaday qui vivaient récemment leur propre vie libre, qui nous donnent la meilleure approximation de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, car les Iks ont été chassés de leurs terrains de chasse et, totalement démoralisés, ils semblent aller vers un suicide collectif. Propriété privée, stratifications sociales, soumission politique, et guerres institutionnelles avec des armées permanentes sont des inventions qui ont évolué au cours de l’histoire humaine. Elles n’expriment pas automatiquement quelque nature humaine innée. Autrement, la grande majorité d’entre nous aujourd’hui ne chercherait pas si ardemment à se procurer un niveau de vie sûr, un minimum satisfaisant, et sympathique, mais se jetterait avec enthousiasme dans la compétition, l’agression et la violence permises et encouragées par notre structure sociale.
Les inégalités institutionnelles qui nous sont si familières, les hiérarchies dominantes, la menace constante de guerres à grande échelle sont commencé à apparaître au quatrième millénaire avant JC pendant ce que l’on a appelé la révolution urbaine. Dans le long cours de l’histoire humaine, des sociétés égalitaires de chasseurs cueilleurs et plus tard d’horticulteurs ont élaboré des formes variées de hiérarchie sociales et cérémonielles, tout en maintenant encore, pour autant que l’on puisse le déterminer, un droit égal aux sources de base des moyens d’existence. Ensuite, résultat de l’ingéniosité et de l’inventivité humaines, la spécialisation du travail s’est graduellement développée et a éloigné une partie de la population de la production de base de nourriture. Le troc s’est transformée en commerce et les négociants en intermédiaires marchands. Les chefs-prêtres manipulaient de plus en plus les marchandises qu’il stockaient pour la redistribution et ce qui était une hiérarchie rituelle se transforma en élitisme exploiteur. L’accès égal à la terre devint plus restreint à mesure que les étendues libres se transformaient en champs privés, aménagés, irrigués, fertilisés, ou travaillés d’une manière quelconque. En bref, des systèmes de classes se créaient, bien que lentement et non sans résistance et tentatives de maintenir les habitudes de coopération. Des sociétés complètement stratifiées ont émergé d’abord en Asie du Sud-ouest, et en Afrique du Nord-Est, en Mésopotamie, en Egypte, à Jérusalem, en Perse. Dans l’hémisphère occidental, les sociétés stratifiées urbaines ont évolué indépendamment parmi les précurseurs des Incas, Mayas et Aztèques. Aux millénaire suivants, les centres urbains marchands avec des formes politiques et sociales stratifiées compétitives se sont développées sans cesse depuis des sociétés qui s’étaient organisées autour de clans égalitaires , comme le montre les reconstitutions d’histoire ancienne en Afrique, Asie Europe et dans le Nouveau-Monde. Presque 5000 ans après l’émergence de cités en Asie et en Afrique, la transformation sociale suivante, la Révolution Industrielle, prit forme. Liée inextricablement à l’expansion coloniale et impériale européenne, la Révolution Industrielle mit un terme à l’autonomie relative des myriades de traditions de la Terre. Graduellement, les peuples de tous les continents se retrouvèrent emmêlés dans un système mondial unique de relations d’exploitation militaires, politiques et économiques. Un thème constant revient souvent dans la reconstitution soigneuse ethnophilosophique des différents modes de vie développés par différents peuples. Les données archéologiques, les comptes-rendus des premiers explorateurs, missionnaires ou commerçants, comme le matériel ethnographique plus récent, révèlent que la coopération systématique a toujours été sans cesse affaiblie par la compétitivité systématique. Heureusement, de plus en plus de gens dans le Monde cherchent maintenant à créer de nouvelles formes de coopération. Il est vraiment urgent d’y arriver sans quoi nous rendrons notre planète impropre à la vie.
Les femmes dans les sociétés sans classe
Où cela nous amène t’il par rapport au statut social et au rôle des femmes dans les sociétés sans classe ? Quelles perceptions nous offrent les données anthropologiques dans notre effort pour comprendre la base du statut inférieur actuel des femmes et quelles sources pour le changer ?
L’expression la plus couramment employée dans les écrits anthropologiques contemporains est brutale : l’égalitarisme général des sociétés non stratifiées ne s’applique pas complètement aux femmes. Les anthropologues s’accordent à dire que les femmes dans ces sociétés n’étaient pas du tout opprimées de la façon qui s’est développée dans les sociétés patriarcales classiques du monde méditerranéen et d’Orient. Cependant, aux yeux de nombreux anthropologues qui écrivent sur le sujet, les femmes ont toujours été à un degré quelconque subordonnées aux hommes. D’où ce genre d’affirmation que l’on peut lire :
--« C’est une vérité sociologique banale que dans toutes les sociétés l’autorité appartient aux hommes et non aux femmes. »
--« Les hommes ont souvent tendance à dominer les femmes. »
-- « La subordination des femmes se produit avec une remarquable persistance dans une grande variété de cultures.
-- Les hommes sont toujours dominé les femmes politiquement et économiquement.
--« Toute forme de structure sociale mise à part, les hommes ont toujours l’ascendant sur les femmes. »4
On admet que l’institution largement répandue de la matrilinéarité –reconnaissance de la descendance par les femmes—renforçait le statut des femmes, mais on soutient que la matrilinéarité substituait simplement l’autorité des oncles maternels et des frères aînés à celle des maris et des pères. Une égalité des sexes très approximative est généralement admise en ce qui concerne nos ancêtres, mais on dit toujours que les hommes avaient un statut légèrement plus élevé. « Les activités masculines sont toujours un centre d’intérêt culturel et de prestige… Les femmes peuvent exercer une influence en-dehors de leur famille mais seulement indirectement par leur influence sur leur parenté. Donc, quelque soit l’importance du travail féminin dans l’économie domestique, il ne suscite pas l’estime publique accordée au travail masculin. Le rôle des femmes est toujours « privé », celui des hommes « public », prétend-on. Le travail féminin…est limité par le cadre domestique, concerné par les secteurs familial et privé de la société. Les rôles dans la sphère publique sont masculins, et la sphère publique est le lieu du pouvoir et du prestige…. En effet, quelle que soit la nature du travail féminin, ou sa valeur économique, il n’est jamais investi de glamour, d’excitation ou de prestige5… Les études contemporaines d’histoire ou de socio promettent de forcer à la révision de telles vues. La thèse selon laquelle une étape d’organisation économique et sociale égalitaire –le communisme primitif—précéda l’émergence de la stratification dans l’histoire humaine n’a été largement acceptée que récemment par les anthropologues. Il n’y a pas si longtemps on se moquait d’une telle notion qualifiée de « naïveté du 19éme siècle ». Un analyse en profondeur révéler l’influence dont jouissaient les femmes dans de telles sociétés et la très large autonomie dans laquelle elles fonctionnaient. On espère donc que dans la prochaine décennie, on verra la caractérisation stéréotypée du rôle tenu par les femmes dans de telles sociétés discréditées comme un cliché de domination mâle.
Quatre altérations principales perpétuent la confusion au sujet des femmes dans les sociétés sans classes.
-- 1) Les société étrangères à la tradition spécifique de l’Europe ou de l’Orient sont communément regroupées dan une catégorie unique, désignées comme « primitives ». Pourtant des sociétés stratifiées et urbaines ont émergé ou émergeaient dans de nombreuses parties du monde au temps de l’expansion européenne. Seules quelques-unes des sociétés appelées « primitives » conservaient des institutions pleinement égalitaires à cette époque. Donc, les considérations générales sur le statut des femmes dans les sociétés primitives reflète les larges variations qui existaient dans le monde et dévient l’attention de l’analyse du statut des femmes dans les sociétés réellement égalitaires.
--2) Les cultures analysées par les anthropologues ne sont pas autonomes mais existent dans le contexte d’un monde colonial. Les généralisations sur les cultures tribales son trop souvent tirées de rapports ethnographiques du vingtième siècle qui ne tiennent aucun compte du colonialisme, de l’impérialisme et de leurs effets mondiaux. Les sociétés que les vieillards indiens américains décrivaient aux premiers anthropologues ne représentent pas non plus la vie aborigène dans une forme inchangée. Le commerce avec les européens, la conquête et la résistance, le travail et dans certains cas l’esclavage, les mariages interraciaux et les missionnaires ont tous créée des problèmes dans lesquels les indigènes américains se débattent depuis 400 ans ou plus. En Afrique depuis deux, trois ou quatre cents ans (selon les régions) les peuple sont été impliqués bon gré mal gré, directement ou indirectement, dans le développement de l’Europe capitaliste et de l’ordre impérialiste mondial. Ils commerçaient, ils faisaient de la politique, ils allaient travailler dans les plantations et les mines pour payer des taxes nouvellement imposées, on leur envoyait des missionnaires ou ils devenaient eux-mêmes missionnaires. ; ils étaient conquis, mis en esclavage, ou soumis d’une autre manière ; et ils résistaient, combattaient pour leur indépendance politique.
Les pratiques patriarcales et les attitudes importées par les européens qui imposèrent le contrôle impérialiste ont accéléré le déclin du statut des femmes de plusieurs façons. Le situations publiques de prestige et d’influence furent confiées aux hommes, d’abord de façon informelle, par les envoyés et les commerçants européens, formellement plus tard par les administrateurs. Les droit des femmes à la terre furent grignotés ou abolis de la même façon. Les liens économiques réciproques entre les clans et les lignages furent sapés, et les femmes et les enfants devinrent dépendants des chefs de famille mâles individuels qui gagnaient les revenus. Enfin, les missionnaires vantaient les idéaux européens et exhortaient les femmes à obéir et à être fidèles sexuellement toute leur vie à un seul homme.
3) Un autre empêchement à une analyse objective transculturelle du rôle des femmes est le parti pris que des travaux comme ceux-ci essaient de vaincre. Les anthropologues étaient en général des hommes qui interviewaient d’autres hommes et considéraient que les données recueillies ainsi étaient suffisantes pour comprendre une société. Les femmes anthropologues ont en général agi de même et c’est seulement récemment qu’elles ont commencé pour certaines, en tant que femmes, à examiner les distorsions qui ont résulté de cela. Comme l’a déclaré récemment un groupe de femmes anthropologues : l’anthropologie, à son niveau actuel de développement, manque d’une théorie des femmes qui soit assez complexe pour prendre en compte tout ce que nous faisons. Nos collègues , mêles la plupart du temps, se sont contentés de décrire le comportement des femmes comme les hommes aimeraient qu’il soit. Un bon nombre de questions essentielles n’ont jamais été posées : le résultat d’un anthropologue mâle discutant le bout de gras avec ses informateurs mâles a été une vision des femmes qui procède directement des normes masculines. Partiellement, cet état de choses fait apparaître le manque de différenciation sémantique sur ce que les femmes font et ce qu’elle sont. Mais au-delà, cela implique la surprenante incapacité de certains anthropologues à comprendre que les femmes sont autant des êtres humains que les hommes…6
--4) La quatrième difficulté pour arriver à une représentation claire du rôle des sexes et du fonctionnement des sociétés pré-classes vient d’une approche ethnocentriste de l’organisation sociale. Il y a deux affirmations omniprésentes et trompeuses :
1) Les dyades mâles-femelles existent en tant que cœur des unités de base socio-économiques dans tous les types de sociétés et fonctionnent avec les enfants qui en dépendent comme les sociétés occidentales.
2) L’action sociale est partout divisée entre une sphère masculine, publique, formelle et politiquement cruciale et une sphère féminine informelle, un peu comme dans nos sociétés.
Là où les données sont fragmentaires, l’ethnographe peut toujours expédier la relation des activités féminines en un paragraphe ou deux, la préparation de la nourriture, les soins aux enfants, le foyer. De monographie en monographie, de telles allusions reviennent avec manque de rigueur ou d’explicite, bien que la restriction des femmes à ces activités puisse être contredite par une lecture entre les lignes de la monographie elle-même. La pratique perpétue la sagesse conventionnelle qui se reflète dans les généralisations désinvoltes au sujet, cité dans un texte de « l’importance naturelle des hommes »7
Etant donnés ces problèmes, est-il possible de définir avec une quelconque certitude ce qu’était le rôle des femmes dans les sociétés égalitaires ? La réponse est oui ;la fondation d’une définition adéquate du rôle des femmes de façon transculturelle est maintenant posée par les anthropologues (le plus souvent femmes, mais pas exclusivement) qui se mettent à collecter des données nouvelles sur la participation des femmes à différentes sortes de sociétés et à réexaminer les allusions aux femmes dispersées dans les anciennes données. L’image qui en émerge tombe, à mon avis, à l’intérieur des grandes lignes que proposait Friedrich Engels dans « l’origine de la famille, de la propriété privée et de l’état. » : l’égalitarisme initial de la société humaine incluait les femmes, et leur statut par rapport aux hommes a décliné quand elles ont perdu leur autonomie économique. Le travail des femmes était tout d’abord public, dans le contexte de la bande ou du collectif villageois. Il se transforma en service privé dans les limites de la famille individuelle dans le cadre du processus de spécialisation du travail et de l’augmentation du commerce. Les femmes comme les hommes perdirent le contrôle direct sur la nourriture et sur les autres marchandises qu’ils produisaient et il y eut émergence des classes économiques. Le processus fut lent, et on sait que les femmes se liguèrent apparemment pour résister de diverses façons, à en juger parce que nous savons des organisations de femmes d’Afrique de l’Ouest et de l’hostilité traditionnelle entre les sexes en Mélanésie comme dans certaines parties de l’Europe. Aucune enclave de société ancestrale ou horticole ne subsista comme représentatives d’un mode de vie égalitaire. Pour de telles cultures, nous n’avons que des traces archéologiques. Des écrits historiques toutefois indiquent en gros deux grands courants différents dans l’histoire sociale tardive de l’Europe.
1)Celui du monde méditerranéen ou la classe patriarcale classique de l’ancien Moyen-Orient a réussi à submerger ce qui était la participation publique formelle des femmes en matière religieuse, politiques et sociale
2)Et celui de la périphérie du Nord de l’Europe, décrit par Tacite, où les femmes, loin d’être les égales des hommes, avaient néanmoins un statut un peu plus élevé relativement que dans les cultures méditerranéennes, statut qui persista assez longtemps pour exercer un effet sue la société médiévale du début. Tacite note que « les Bretons ne font pas de distinction de sexe quand ils nomment leurs chefs et son affirmation sur la révérence envers les leaders femmes parmi les Germains est intéressante. Il la décrit comme « non atteinte par la flatterie servile ou autre prétention à transformer la femme en déesse », ce qui suggère un respect réel, plutôt que le schéma intéressé qui place les femmes sur un piédestal comme évidence de leur statut de classe supérieure8.
Les traditions patriarcales méditerranéennes et les traditions nordiques qui suggéraient autrefois des mœurs plus égalitaires étaient tardives, bien sûr, si l’on considère l'histoire humaine dans sa globalité. Les restes archéologiques indiquent qu’elles furent précédées par des sociétés agraires égalitaires, elle-même précédées par des sociétés basées sur des combinaisons de chasse, pêche et cueillette. Dans le but de faire des hypothèses étudiées sur le changement de rôle des femmes dans ces peuples européens anciens, il est nécessaire de décrire les sociétés dans les parties du monde où les formes égalitaires ne furent pas détruites aussi tôt.
Dans l’hémisphère occidental, l’urbanisation et la stratification se développèrent au Mexique et dans les Andes, mais à l’époque des voyages de Colomb elles n’avaient pas englobé les peuples répartis sur ce que sont maintenant le Canada et le nord des Etats-Unis. Nous pouvons donc nous référer à ces groupes pour comprendre comment fonctionnait une société égalitaire. Je prendrai l’exemple des chasseurs Innu (Montagnais-Naskapi) de la péninsule du Labrador au Canada Oriental et les villageois Iroquois du nord de l’état de New-York, car des écrivains d’autrefois ont donné quelques indications sur la façon dont ces peuples vivaient au tout début de la colonisation avant que leurs vies ne soient totalement transformées. C’est particulièrement vrai pour les Innus (Montagnais-Naskapi) car durant l’hiver 1633-1634 un missionnaire jésuite, Paul Le Jeune vécut avec une bande de Montagnais et écrivit un compte-rendu détaillé de son expérience dans cette mission à ses supérieurs à Paris. Les lettres d elle Jeune constituent un recueil inestimable des mœurs et de l’éthique d’un peuple égalitaire et il fit des références explicites au prestige et à l’autonomie de tous les individus, les femmes comme les hommes.
Les Innu (Montagnais Naskapi)
Les Montagnais-Naskapi vivaient presque entièrement de pêche et de chasse à l’époque pré-colombienne.(c'est-à-dire l’ère précédant le voyage de Colomb en 1492 quand les Européens apparurent en Amérique pour la première fois.) La collecte de racines et de baies était minime. Les gens changeaient souvent de camp en hiver, mais pendant le court été, un nombre assez grand d’entre eux se rassemblaient au bord des lacs et des rivières, pour se rendre visite, faire la cour, préparer leurs bottes de neige, leurs canoës et leurs vêtements pour l’hiver suivant. Quinze ou vingt personnes, plusieurs familles nucléaires, vivaient ensemble dans une hutte couverte de peau ou d’écorce. L’hiver, deux ou trois groupes de cases voyageaient et campaient ensemble ou assez près les uns des autres. De temps en temps ils se joignaient aux autres pour de courtes périodes de bombance quand la chasse était bonne ou pour demander de l’aide quand elle était mauvaise.
La division du travail n’existait pas, excepté entre les sexes, et tous les adultes participaient à la recherche de nourriture et à la fabrication de l’équipement nécessaire à la vie dans le Nord. En général les femmes travaillaient le cuir et l’écorce , pendant que les hommes travaillaient le bois, chacun produisant les outils utilisés. Par exemple les femmes coupaient des bandes de cuir et les tissaient sur les formes de bottes de neige fabriquées par les hommes, et les femmes recouvraient d’écorce de bouleau lies formes de canoës produites par les hommes. Les femmes écorchaient le gibier et raclaient les peaux pour les vêtements, les mocassins, et la couverture des huttes. Chacun participait à la construction des huttes, les femmes allaient dans la forêt pour couper des poteaux de huttes et les hommes enlevaient la neige de l’endroit où la hutte allait être construite.
Tous les membres du camp aptes physiquement, femmes, hommes et grands enfants, participaient aux chasses collectives, quand les caribous migrateurs étaient dirigés vers des enclos ou dans les rivières pour être tués à la lance depuis les canoës. Les hommes, à deux ou trois, chassaient en solitaire en forêt. Les femmes chassaient à l’occasion quand elles voulaient de la viande et quand les hommes étaient partis, ou si elles voulaient rejoindre leurs maris en expédition de chasse. Les deux sexes se procuraient du petit gibier autour du camp, posant des pièges, des collets. La cuisine nécessitait aussi la participation des deux sexes. Les grands animaux étaient rôtis dans des trous avec des pierres brûlantes posées dessus, ou coupés en gros morceaux pour être embrochés sur des bouts de bois tenus au-dessus du feu, ou bouillis dans des plats d’écorce dans lesquels on plaçait des pierres brûlantes. Avec l’arrivée des pots de cuivre, un objet de commerce apprécié à partir du seizième siècle, la viande pouvait être mijotée sur un feu ouvert sans que cela demande beaucoup de travail ou d’attention. Chaque jour, les femmes cuisinaient, mais les hommes aidaient à préparer la nourriture pour les fêtes ou ils se faisaient eux-mêmes la cuisine pendant les chasses.
Pratiquement tout le monde se mariait, bien que le divorce fût facile et pouvait être obtenu par simple demande de l’un des partenaires. Une personne paresseuse ou malhonnête pouvait avoir du mal à garder une épouse, et un homme pouvait se rendre ridicule en faisant le travail d’une femme, montrant qu’il était incapable de garder une épouse. Quelques hommes avaient plus d’une épouse, pratique déplorée par les missionnaires du dix-septième siècle. Le Jeune écrit « Depuis que j’ai prêché parmi eux qu’un homme ne doit avoir qu’une seule épouse, je n’ai pas bien été reçu par les femmes ; en effet, comme elles sont plus nombreuses que les hommes, si un homme ne peut en épouser qu’une, les autres souffriront.9
Les enfants observaient presque toute la gamme du travail, du jeu et de la vie religieuse autour d’eux. Leur formation était donc très informelle, ils jouaient, aidaient, écoutaient, et regardaient. Bien que les soins aux enfants aient incombé aux mères, les pères n’étaient ni maladroits, ni impatients avec les petits enfants. Le Jeune écrit, au sujet d’un homme calmant un bébé malade avec ce qu’il considérait comme « l’amour d’une mère » conjugué à « la fermeté d’un père »10. Plus de trois siècles plus tard, j’ai observé la patience sans limite avec laquelle un homme était assis, berçant son enfant malade et agité, chantant pendant des heures, pendant que sa femme était occupée à la tâche exigeante et longue du fumage d’une peau de cerf.
Le Jeune écrit sur la « patience » montrée dans la vie quotidienne, et sur la façon dont les gens s’accordent bien. « Vous ne voyez pas de disputes, querelles, inimitiés ou de reproches parmi eux », déclare t ‘il, et les gens font leur travail sans «fourrer leur nez » dans les affaires des autres 11. Pendant les étés 1950 et 1951, j’ai moi-même observé une aisance dans le déroulement de l’interaction quotidienne qui persistait en dépit du fait que la base économique de l’autonomie indienne se dégradait petit à petit rapidement et qu’il y avait des raisons grandissantes pour une anxiété nouvelle. Non pas que tout le monde ait été en paix : une femme dans un camp avait la réputation de toujours grommeler ; un homme dans un autre se saoulait chaque fois qu’il arrivait à se procurer de la mélasse ou du sucre pour fabriquer de la bière. Mais c’était beau de voir le sens de la responsabilité de groupe encore obtenu pour les enfants et le sens d’autonomie simple dans les relations, non écrasé par des siècles de comportement convenu par sexe et par statut. Bien sur, il est évident qu’il y avait un réel sentiment de contrainte quand les blancs étaient là. Dans une période plus ancienne, ce n’était pas le cas. Le Jeune décrivait la gaillardise, la frime, la moquerie, l’amour des paroles blessantes, et la voracité qui caractérisaient les périodes de relâchement des Montagnais-Naskapi au début du dix-septième siècle. « Ils n’ont ni douceur ni courtoisie dans leurs paroles écrit-il « et un français ne peut supporter cet accent, ce ton et la brusquerie de leurs voix sans se mettre en colère, cependant ils ne le font pas.12 A son grand désarroi, les deux sexes prennent plaisir à un langage qui a « l’odeur répugnante des égouts »13 et à des taquineries vulgaires, prises , à sa grande surprise, avec bonne humeur par les victimes elles-mêmes. Aujourd’hui, nous comprenons le ridicule comme un moyen important de renforcement du groupe dans une société dénuée de contrôles formels. Comme Le Jeune l’a vu, leurs quolibets et leur dérision ne viennent pas de cœurs mauvais ou de bouches infectées, mais d’un esprit qui dit ce qu’il pense de façon à se donner un cadre libre, et qui cherche un avantage à tout, même au sarcasme et à la moquerie.14 Quelques observateurs ont dit au sujet des femmes Montagnais-Naskapi, comme ils l’ont dit au sujet d’autres femmes indiennes d’Amérique du Nord, qu’elles étaient des vraies esclaves. Leur travail dur et le manque de formes ritualisées qui les entourait contrastait trop avec les idées de courtoisie envers les femmes dans la famille bourgeoise française ou anglaise et ceci était pris comme une évidence de leur statut social inférieur. Ceux qui connaissaient bien les indiens voyaient les choses autrement : « Les femmes ont un grand pouvoir ici », disait Le Jeune, et il exhortait les hommes à s’affirmer plus « Je lui dis qu’il était le maître et qu’en France, les femmes ne dirigent pas les maris »15 Un autre père jésuite déclarait : « le choix des plans, des projets, des hivernages, revient presque toujours à la maîtresse de maison » 16
Il importe de reconnaître que ces décisions sur les mouvements n’étaient pas un affaire privée de famille mais des décisions communautaires concernant la principale activité du groupe. Il n’y avait pas formellement de chefs ou de corps supérieurs politiques ou économiques auxquels les gens doivent déférer, avec ou sans ordres. En fait les jésuites déploraient l’indépendance dans la vie des Indiens. « Hélas, si quelqu’un arrêtait les migrations des sauvages et donnait l’autorité à l’un d’eux pour diriger les autres, nous les verrions convertis et civilisés en un temps très court 17. Termes récurrents dans les lettres et rapports des « relations jésuites » du dix-septième siècle, les tentatives d’établir l’autorité de chefs élus sur les bandes et des maris sur les épouses. Les porte-paroles du groupe vis-à-vis des extérieurs étaient les gens respectés pour leur habileté rhétorique. Leur influence était uniquement personnelle. Ils auraient été ridiculisés si ils avaient essayé d’exercer un pouvoir quelconque au sein de leur groupe. Le Jeune écrivait que les indiens « ne peuvent supporter le moins du monde ceux qui semblent désireux d’exercer leur supériorité sur les autres. ; ils placent toute la vertu dans une certaine douceur ou apathie.18 Les gens expérimentés étaient plutôt choisis pour mener les groupes de chasse, mais leurs responsabilités de chefs temporaires se terminait se terminaient en même temps que la période de chasses. Les chamans, pratiquants religieux qui communiquaient avec les nombreux dieux n’avaient pas de pouvoir formel, mais plutôt une influence personnelle. Autrefois, les femmes comme les hommes pouvaient devenir chamans. Un père jésuite essaya de s’opposer à une puissante femme chaman qui ralliait son peuple pour aller combattre les Iroquois. Elle ira un couteau et menaça de le tuer s’il n’arrêtait pas de s’interposer. Ce manque d’autorité formelle était possible dans la mesure où les petits groupes qui vivaient ensemble et dépendaient les uns des autres partageaient aussi des préoccupations communes pour la survie du groupe et son bien-être. Les gens pouvaient aussi aisément abandonner un groupe et en rejoindre un autre s’ils le désiraient, une flexibilité qui rendait possible à ceux qui ressentaient une animosité à l’égard d’autres de s’en aller avant qu’une trop grande gêne ou perturbation ne se produise. La colère pouvait exploser en violence ou même mener au meurtre, mais cela pouvait se gérer par la séparation. Au pire, alors, l’animosité personnelle se produisait à distance. La maladie était parfois attribuée à la manipulation de forces surnaturelles par un ennemi personnel.
La forme de pouvoir sur les autres commune à notre société ne gouvernait pas les sociétés égalitaires. Dans la mesure où nous trouvons difficile, toutefois, d’interpréter comment de telles sociétés fonctionnaient en fait, nous projetons en général les termes de notre ordre social sur elles, une erreur qui se produit souvent au sujet du statut des femmes. Comme on l’a noté auparavant, en négligeant de collecter des données adéquates sur les femmes ou d’interpréter les données dans une perspective féminine, les anthropologues peuvent eux aussi déformer le véritable état de choses. La forme de rapport rendue disponible par Le Jeune demeure rare ; la plupart du temps on doit lire entre les lignes de comptes rendus ethnographiques pour avoir des indications sur le rôle des femmes. Quand on le fait, les affirmations au sujet des hommes brutaux qui bousculent les femmes dans les peuples chasseurs apparaissent pour ce qu’elles sont, une mythologie contemporaine.
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Les Iroquois (Ho-de-no-sau-nee), ou “Le Peuple de la Longue Maison »
Le Peuple de la Longue Maison, connu comme Iroquois, inclut d’Ouest en Est dans l’Etat de New York les Nun-da-wa-ono ou Peuple des Grandes Collines (Seneca), les Gwe-u-gweh-o-no ou Peuples sur la Terre Boueuse (Cayuga), les O-non-da-ga-o-no ou Peuple sur les Collines (Onondaga), les O-na-yote-ka-o-no, ou Peuple du Granit (Oneida), les Ga-ne-a-go-o-no ou Peuple possesseur du Silex ( Mohawk) ainsi que plus tard au sud des Oneida, les Dus-ga-o-weh-o-no ou Porteurs de Chemises (Tuscarora). Récemment, un groupe de Mohawks en compagnie de membres d’autres nations indiennes, a émigré vers un ancien territoire Mohawk dans la zone de l’Eagle Lake, dans le Parc d’Etat des Adirondacks. Ils souhaitent, selon leurs propres mots, « revenir au système coopératif de nos ancêtres et recréer un « gouvernement du peuple » avec une large participation de la communauté à la prise de décisions. Ces pionniers contemporains viennent de zones rurales comme urbaines, mais ils diffèrent d’autres mouvements coopératifs surtout par leur compréhension de leur histoire et de leurs anciennes traditions.
A l’époque de l’invasion européenne, au seizième siècle, les Iroquois vivaient dans des villages de 2000 habitants et plus et étaient jardiniers ou chasseurs. Les femmes cultivaient, utilisant des bâtons fouisseurs et des houes avec une lame d’omoplate de cerf. Elles plantaient quinze variétés de maïs, soixante sortes de haricots et huit sortes de courge. Elles cueillaient aussi les fruits sauvages, les noix, les racines, et les feuilles comestibles ou médicinales. Le sommes chassaient le cerf, l’ours, le petit gibier, pêchaient , attrapaient les oiseaux en utilisant toute une variété de collets, de pièges, de filets, des arcs et des flèches. Les deux sexes travaillaient ensemble à la construction des grandes maisons permanentes couvertes de plaques d’écorce et habitées par environ vingt-cinq familles. Ces longues maisons avaient une avant-pièce à chaque extrémité pour le stockage et une rangée de foyers au centre. Les familles qui vivaient en face l’une de l’autre utilisaient le même feu et des séparations délimitaient les zones de sommeil de chaque famille.
Au cours des seizième t dix-septième siècle, les Iroquois s’impliquèrent beaucoup dans le commerce des fourrures et une fois exterminés les castors sur leurs terrains habituels, soit ils devinrent intermédiaires dans le commerce avec les peuples extérieurs, soit ils les combattirent pour étendre leur propre sphère d’activité. Ils devinrent les ennemis des Montagnais (Innu) et au cours de la rivalité entre les Français et les Anglais pour le contrôle des terres américaines, qui culmina au dix-huitième, les Montagnais s’allièrent aux Français et les Iroquois aux Anglais.
Au dix-neuvième siècle lorsque l’anthropologue Lewis Henry Morgan écrivit « League of the Ho-De-No-Sau-Nee or Iroquois », publié en 1861, la vie dans les longues maisons n’était plus qu’un lointain souvenir, bien que la longue Maison restât un symbole fort du Conseil de la Confédération qui fonctionnait toujours. Des changements fondamentaux se sont produits dans la société iroquoise depuis le seizième siècle, à la suite du commerce des fourrures et de l’état de guerre engendré par la lutte des pouvoirs coloniaux et la perte des territoires indiens à leur bénéfice. La Confédération des six tribus agit comme une force unificatrice puissante et les pouvoirs formels du conseil s’accrurent pour faire face de façon efficace aux rivalités politiques et économiques et aux pressions des Néerlandais, des Français et des Anglais. Dans le même temps, toutefois, le commerce des fourrures permit à des entrepreneurs indépendants économiquement de se détacher de leurs responsabilités envers leur propre peuple. L’effet de cette situation fut de saper le communisme pratiqué auparavant par les familles partageant une Longue Maison, processus encouragé par l’enseignement des missionnaires et la politique du gouvernement. Les descriptions de la société iroquoise, donc, et surtout celles de la place des femmes abondent en contradictions étant donné que des gens avec différents points de vue et différentes sources d’informations font des jugements à différents moments.
Que les femmes à une certaine époque aient eu un statut relativement élevé dans la société iroquoise, cela personne ne le remet en cause. Les Iroquois considéraient la descendance matrilinéaire, pratique commune parmi les peuples cultivateurs, et les droits d’usufruit sur les terres du clan passaient de mère en fille. En général, un homme venait habiter dans la famille de son épouse à son mariage et il pouvait être renvoyé chez lui s’il lui déplaisait. Les matrones de la longue maison contrôlaient la répartition de la nourriture et des autres marchandises qui assuraient le bien-être du groupe ; elles nommaient et pouvaient révoquer les sachems ou chefs qui représentaient chaque tribu au Conseil de la Confédération. ; et elles « avaient leur mot à dire sur toute question amenée devant le conseil du clan »20 Femmes et hommes en nombre égal occupaient les fonctions de « Gardiens de la Foi », personnes d’influence qui admonestaient les autres pour les infractions morales et parfois les renvoyaient devant le Conseil pour une dénonciation publique. La compensation envers la parenté pour le meurtre d’une femme était le double de celle pour un homme. Un missionnaire du début du dix-huitième siècle, Lafitau, écrivant au sujet des femmes chez les Iroquois, chez les Hurons ou les deux, disait que « Toute l’autorité réelle est entre leurs mains… Elles sont les âmes des Conseils, les arbitres de la paix et de la guerre »21 .Plus d’un siècle après, le révérend Wright, missionnaire chez les Seneca, écrivait : « les femmes étaient la grande puissance parmi les clans comme partout ailleurs. Elles n’hésitaient pas, quand l’occasion l’exigeait, « à « abattre les cornes », terme consacré, de la tête d’un chef, pour le renvoyer au rang de guerrier.22 Dans son livre, « L’inévitabilité du patriarcat », pourtant, Steven Goldberg fait allusion trois fois à l’affirmation de Lewis Henry Morgan selon laquelle les indiens considèrent les femmes comme inférieures, dépendantes et servantes des hommes, et par éducation et habitude, elles se considèrent elles-même ainsi »23. Morgan écrivait aussi que l’influence des femmes n’atteignait pas les affaires de la gens (clan), de la fratrie (groupe de clans) ou de la tribu, mais commençaient et finissaient dans la famille. Cette vision concorde avec la vie de patient labeur et d’obéissance en général au mari que la femme iroquoise accepte avec entrain comme le lot de son sexe.24 Comment ces affirmations peuvent-elles s’accorder avec les précédents comptes-rendus sur le statut élevé des femmes chez les Iroquois ? Une partie de la réponse se trouve dans le changement intervenu lorsque le contrôle des femmes sur la longue maison fut remplacé par leur dépendance à l’égard d’un mari gagnant les revenus dans le contexte d’une famille nucléaire individuelles .Les institutions comme les dortoirs où les adolescentes vivaient et faisaient la cour à leurs amoureux, évoqués de façon désapprobatrice dans les comptes-rendus du seizième et du début du dix-septième, n’étaient même plus un souvenir à l’époque de Morgan. La chasteté avait depuis été enjointe aux femmes non-mariées, ainsi que les deux poids, deux mesures et le fouet en public pour les femmes adultères.
Une part des contradictions entre les appréciations sur le statut des femmes chez les Iroquois réside dans l’incapacité à comprendre leur contrôle sur la famille dans sa pleine signification. A l’époque moderne, parler de la position élevée des femmes dans la famille et de leur influence et de leur prestige dans les conseils d’hommes n’implique rien de plus que le pouvoir habituel derrière le trône, par lequel les femmes manipulent leurs familles pour gagner un certain contrôle sur leurs vies dans une société fondamentalement patriarcale. Dans le cas des Iroquois, toutefois, le fait que les familles constituent la communauté signifie que le pouvoir de décision des femmes sur la production et la distribution de nourriture et d’autres produits leur donnent un large contrôle sur l’économie du groupe lui-même. De telles décisions n’avaient pas le caractère privé qu’elles ont dans nos sociétés où la production et le distribution de quelque importance sont assurées par les entreprises et où le pouvoir réside dans des institutions complexes et énormes bien au-dessus de la communauté.
Les décisions du conseil ne s’appuyaient pas sur le genre de pouvoir exercé dans un état moderne, mais exprimait plutôt le consensus du groupe dans les affaires de relations entre les villages et les politiques envers les groupes extérieurs. Dans un article sur la situation des femmes chez les Iroquois, Judith Brown donne un exemple du pouvoir pratique inhérent à leur rôle économique : elles pouvaient choisir de soutenir ou de diminuer une proposition d’expédition guerrière en acceptant de fournir, ou en refusant, les fournitures nécessaires. Les sociétés comme celle des Iroquois étaient –elles donc matriarcales ? La réponse est oui, si le terme signifie que les femmes détenaient l’autorité publique dans les domaines principaux de la vie du groupe. La réponse est non si le terme renvoie à une image inverse du patriarcat judéo-chrétien et oriental où le pouvoir entre les mains des hommes (d’une femme à l’occasion) au sommet d’une structure hiérarchique se reflète dans l’exercice du pouvoir mineur que les hommes exercent sur leurs épouses dans la famille individuelle.
Dans la société Iroquoise pré coloniale, il était nécessaire de régulariser la production et la distribution de nourriture, par et parmi les centimes de villageois qui habitaient ensemble. Cette obligation a du quelque peu diminuer la sorte d’autonomie personnelle qui caractérisait la vie des Innu (Montagnais-Naskapi). Néanmoins, la société iroquoise restait à la base communautaire et égalitaire. Tous ceux qui y voyaient un intérêt participaient aux élaborations artistiques, rituelles et autres culturelles qu’une vie organisée rend possible. Les personnes prestigieuses, et influentes vivaient, travaillaient et mangeaient avec tout le monde. Au pire, les prisonniers de guerre qui étaient adoptés par un clan pouvaient devoir exécuter les corvées les plus fatigantes pendant un moment, mais ils prenaient part aux repas et au logement avec les autres et avec le temps sils pouvaient gagner une situation respectable dans le groupe. Dans on ouvrage classique « Ancient Society », Morgan écrit :
Tous les membres d’une « gens » iroquoise étaient des personnes libres et ils étaient dans l’obligation de défendre la liberté des autres ; ils étaient égaux en privilèges et en droits personnels ,les chefs et sachems ne réclamaient aucune supériorité. Cela peut expliquer le sens d’indépendance et de dignité personnelle qui est universellement considéré comme un attribut du caractère indien25
Morgan, pourtant, se réfère à la « gens » iroquoise comme à une fraternité. Bien qu’il reconnaisse le statut élevé des femmes dans une telle société, il ne perçoit pas le la signification complète de la « sororité » parallèle
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Dans la majeure partie du monde, la situation des femmes est passée d’un statut d’égalité et d’autonomie primitive à un statut moindre et donc d’oppression. Qu’est ce qui a causé cette transition ?
L’opinion que l’humain va vers la domination et surtout vers l’agressivité masculine de façon innée a déterminé les courants de l’histoire humaine, suivant les réponses données à cette question. Les formulations précises varient, mais en général les arguments sont de ce genre : les populations humaines s‘accroissent de façon récurrente jusqu’aux limites de leur environnement naturel, à la mesure des capacités techniques dont elles disposent. Ceci mène à la compétition pour les ressources et à la guerre. Comme les moyens technologiques de production de nourriture et d’autres choses nécessaires progressent, la population s’accroît, et donc la compétition pour le territoire. La guerre est plus fréquente, ce qui permet aux hommes les plus agressifs et les plus amitieux d’acquérir des biens en surplus et d’imposer un statut de domination sur les autres dans leur groupe et sur les femmes, ainsi que sur les autres groupes. Du point de vue de l’histoire récente, l’affirmation peut sembler assez raisonnable. Dans la perspective de l’histoire culturelle dans sa totalité, néanmoins, l’argument devient ultra-simpliste jusqu’à la distorsion sérieuse. ; il ne fonctionne pas réellement.
La
transformation de la société égalitaire
Comme on l’a mentionné plus haut, tout ce que l’on sait au sujet de la vie de subsistance indique que les chasseurs-cueilleurs n’étaient pas engagés dans une lutte acharnée les uns avec les autres pour la survie dans la mesure où ils arrachaient la nourriture à une nature avare et faisaient face au problème de la croissance de la population toujours vers la limite de ses ressources. La société humaine a évolué par l’application de l’ingéniosité et l’expression de la sociabilité, pas vraiment dans un mouvement de recherche de la domination. Avec des capacités et de la connaissance, les premiers humains savaient utiliser une très large variété de plantes et d’animaux et ils allaient vers des environnements nouveaux et apprenaient à se servir de ressources nouvelles. Le combat était apparemment méprisé et évité par les sociétés primitives et de telles sociétés ont persisté bien plus longtemps que les sociétés guerrières qui leur ont succédé. Tout indique que chez les chasseurs-cueilleurs le temps de loisir était abondant pour avoir le pur plaisir de discuter, plaisanter et raconter des histoires, ainsi que pour les activités artistiques et rituelles. Le Jeune se plaignait, parlant des Montagnais, que « leur vie se passe à manger, rire, se moquer d’eux et de toutes leurs connaissances »29
En outre, la taille et la composition des groupes étaient apparemment maintenues à un niveau bien en relation avec les limites des ressources environnementales. Toutes les indications montrent une limitation consciente de population dans les sociétés égalitaires. Un grand choix de moyens était employé, certains plus efficaces, d’autres moins : périodes d’abstinence, lactation prolongée, herbes pour la contraception ou l’avortement, avortements mécaniques, et en dernier ressort, infanticide.
Les nouveaux-nés qui suivaient leurs frères ou sœurs de trop près et surchargeaient donc leur mère et par conséquence le groupe n’avaient pas le droit de vivre. Les Jésuites observaient que les familles Montagnais n’avaient que deux ou trois enfants, rarement quatre, en comparaison des familles nombreuses françaises 30
La transformation d’une société égalitaire à des sociétés bâties sur l’inégalité et la stratification n’ a pas été due à une combinaison psycho-biologique de conduits dominatrices et de pression démographiques. Au contraire, un processus social profond – le partage- a déclenché le changement, la transformation du partage en troc, qui s’est développé par la suite en commerce systématique et en spécialisation du travail qui éventuellement a mené à l’innovation de pouvoir et de biens détenus individuellement. L’échange de ressources entre différentes zones est aussi vieille que l’humanité. Dans les sites anciens, on retrouve des coquillages à des kilomètres du rivage de l’océan. Silex, obsidienne et d’autres pierres convoitées ont voyagé bien loin de leur localisation d’origine. Des choses aussi rares que l’ambre, si belle et si fascinante, sont passées de main en main à de grandes distances de leur source. Au cours de l’histoire humaine, la vie de village de plus en plus stable rendue possible soit par l’agriculture soit par des fournitures saisonnières de nourriture inhabituelle ment fiables (comme la migration du saumon qui alimentait les villageois de la côte de Colombie Britannique) nécessitait des échanges de plus en plus réguliers—à l’intérieur des groupes ainsi qu’entre eux. La spécialisation est devenue habituelle, pour la production de marchandises à échanger contre des objets de luxe ou des nourritures et des outils particuliers. Le processus enrichit la vie et augmente les capacités. Résultat non prévu, il transforme enfin de compte l’entière structure des relations humaines de l’égalité des groupes communautaires à l’exploitation dans les sociétés économiquement différenciées.
Les réseaux de relations d’échanges étaient à l’origine égalitaires dans leur forme, le profit n’entrait pas en ligne de compte. Néanmoins, la production et la détention de marchandises en vue d’un échange ont créé de nouvelles situations et des droits acquis qui ont séparé les obligations de certains individus de celles du groupe dans son ensemble. Le rôle de l’intermédiaire économique s’est développé et a séparé le processus d’échange des relations réciproques qui liaient les groupes entre eux. En même temps, ceux qui détenaient des positions religieuses ou dirigeantes, gardiens traditionnels de la production distribuée selon les besoins, acquirent de nouveaux pouvoirs par la manipulation de stocks de marchandises localement impossibles à se procurer et particulièrement désirables. Comme le soulignait Engels dans « Origine de la famille, de la propriété privée et de l’état », les graines de la différence entre les classe sont été semées quand les gens ont commencé à perdre le contrôle direct sur la distribution et la consommation des marchandises qu’ils produisaient. Simultanément, la base de l’oppression des femmes se mettait en place, dans la mesure où le groupe communal familial s’est amoindri à cause des liens économiques et politiques conflictuels. A sa place, les familles individuelles sont apparues. Dans celles-ci, la responsabilité d’élever les générations futures était placée sur les épaules des parents individuels. Par ce fait, aussi, le rôle public des femmes ( et par conséquence sa reconnaissance publique) se transforma en service privé (d’où perte de l’estime publique.)
Le analyses contemporaines des composants structurels du statut des femmes montrent le rôle critique joué par leur degré de contrôle sur les marchandises et les ressources. Dans un article comparant la situation des femmes dans douze sociétés, Peggy Sanday écrivait que « l’origine de l’autorité politique des femmes est à un certain degré le pouvoir économique, c'est-à-dire la possession ou le contrôle des ressources stratégiques.31 L’importance du contrôle sur les ressources est illustrée par la comparaison de Judith Brown entre la société Iroquoise ancienne et les Bemba de Zambie au dix-neuvième siècle. Chez ces derniers, les femmes ne contrôlaient plus leur production et n’avaient donc qu’un statut relativement inférieur. Chez les Iroquois, écrit Brown, la distribution de la nourriture par les femmes renforçait leur propre prestige. Chez les Bemba, cela renforçait le prestige de l’homme chef de la maison. Dans la société Bemba, l’inégalité et les familles individuelles ont remplacé les groupes communautaires et le droit de l’homme au travail était « sujet au revendications supérieures de certains relatifs plus âgés et en dernière analyse au chef lui-même. »32. Les chefs détenaient et distribuaient la nourriture pour renforcer leur propre pouvoir social et économique. Karen Sacks compare quatre sociétés africaines, les chasseurs-cueilleurs Mbuti du Zaïre, les Lovedu jardiniers, les Pondo pasteurs et agriculteurs d’Afrique du Sud et la société stratifiée des Ganda de l’Ouganda Elle montre le déclin relatif du statut des femmes lorsque les sociétés passent de « la production sociale collective par les femmes, en référence à celle des hommes: égalité chez les Mbuti et les Lovedu, inégalité chez les Pondo, absence chez les Ganda Les différences persistent en dépit des effets, directs et indirects, du colonialisme Là où les femmes étaient commerçantes et sur les marchés, comme dans de nombreuses suscités ouest-africaines, elle avaient en résultat, un statut plus important en matière d’autonomie économique que lorsque le commerce était tenu par les hommes. Les Ibo du Nigeria fournissent un exemple inhabituellement bien documenté de marchandes Quand leur statut se trouva menacé par les relations économiques extérieures négociées par les hommes, surtout après la première guerre mondiale, elles protestèrent publiquement, se livrèrent à des émeutes et manifestèrent d’abord en 1919, puis en 1925 et en 1929. Par conséquent, les organisations de femmes chez les Ibo furent étudiées en détail alors qu’ailleurs nous n’avons que des indices de leur existence. Les femmes siégeaient dans les réunions publiques et par leurs organisations elles faisaient « leurs propres lois pour les femmes de la ville, sans référence aux hommes », régulaient les marchés, protégeaient les intérêts des femmes, et négociaient les affaires dans lesquelles hommes et femmes étaient impliqués. Leurs protestations soulignent la relation étroite entre leur position économique et leurs droits personnels vis-à-vis des hommes. Les cas exaùminés incluent en même temps les nouvelles taxes proposées par les Britanniques et la menace contre les droits traditionnels des femmes d’avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes que leurs maris. 34
Les systèmes économiques et sociaux africains furent détruits ou mis au service de l’administration coloniale. Mais l’histoire orale et les comptes-rendus anciens montrent beaucoup de parallèles avec les sociétés-états qui virent le jour dans le monde méditerranéen. En Afrique de l’Ouest comme en Méditerranée, la division du travail et la production des biens étaient liés au commerce lointain et aux royaumes qui émergeaient et disparaissaient selon la disponibilité des routes et des ressources et d’autres accidents de l’histoire. Dans ces deux zones, il y eut un renforcement à long terme des classes économiques et un déclin du statut des femmes, accompagné par des conflits sur le lignage, les droits sur les terres, la famille et les obligations familiales. C’est là que commencent les références écrites aux femmes dans l’histoire européenne.
Notes Pour les livres, s’il existe une traduction en français, je la mentionne. Pour les éditeurs, voyez internet
1. Robert Ardrey, African Genesis: A Personal Investigation into the Animal Origins and Nature of Man, Atheneum, New York, 1961, and The Social Contract, Atheneum, New York, 1970; African genesis-les enfants de Cain Desmond Morris, The Naked Ape, Dell, New York, 1966. le singe nu.
2. For an evolutionary summary and further references, see Eleanor Leacock's introduction to "The Part Played by Labor in the Transition from Ape to Man," Frederick Engels, The Origin of the Family, Pricate Property and the State, ed. Eleanor Leacock, International Publishers, New York, 1972
L’origine de la famille de la propriété privée et de l’état.
Were humanity by nature that disposed to fighting, we would all be fully involved in the contemporary melee with great enjoyment. Instead, despite our competitive socialization, most of us try to find some reasonably peaceful niche in which to gain some pleasure from life.
3. Cohn Tumbull, The Mountain People, Simon & Schuster, New York, 1972.
Les Iks
4. T. 0. Beidelman, The Kaguru: A Matrilineal People of East Africa,Holt, Rinehart & Winstor, New York, 1971, p.43; Walter Goldschmidt,Man's Way: A Preface to the Understanding of Human Society, Holt, Rinehart & Winston, New York, 1959, p. 164; Marvin Harris, "Women's Fib," Natural History (Spring 1972), and Culture, Man, and Nature.' An Introduction to General Anthropology, Crowell, New York, 1971, p. 328;F. E. Evans-Pritchard, The Position of Women in Primitive Societies and Other Essays in Social Anthropology, Faber & Faber, London, 1965,p.54.La femme dans les sociétés primitives et autres essais d’anthropologie sociale
5. Dorothy Hammond and Alta Jablow, Women: Their Economic Role in Traditional Societies, Addison-Wesley Module in Anthropology, No.35, Reading, Mass. 1973, pp.3, 8, 26, 27.
6. Ellen Lewin, Jane F. Collier, Michelle Z. Rosaldo, & Janet S. Fjellman, "Power Strategies and Sex Roles," paper presented at the 7oth Annual Meeting, American Anthropological Association, New York, 1971, pp.1-2.
7. John Honigman, World of Man, Harper & Row, New York, 1959, p.302.
8. Tacitus, The Agricola and the Germania, Penguin, New York, 1971; pp.66, 108. Vie d’Agricola La Germanie
9. R. G. Thwaites, ed., The Jesuit Relations and Allied Documents,vol.12, Burrows Brothers, Cleveland, 1906, p. 165.
http://collectioncanada.ca/relations-des-jesuites/h19-150-f.html
10. Ibid., vol. 11, p. 105.
11. Ibid., vol. 6, p. 233.
12. Ibid., vol. 6, p. 235.
13. Ibid., vol. 6, p. 253.
14. Ibid., vol. 6, p. 247.
15. Ibid., vol. 5, p. 181; vol 6, p. 255.
16. Ibid., vol. 68, p. 93.
17. Ibid., vol. 12, p. 169.
18. Ibid., vol. 16, p. 165.
19. Ralph S. Solecki, "Neanderthal Is Not an Epithet but a Worthy Ancestor,"Anthropology, Contemporary Perspectives, eds. David F. Hunter and Phillip Whitten, Little, Brown, Boston, 1975, p.30-31.
20. For a summary statement of the position of Iroquois women, see Judith K. Brown, "Iroquois Women: An Ethnohistoric Note," Toward an Anthropology of Women, ed. Rayna R. Reiter, Monthly Review Press, New York, 1975.
21. Ibid., p.238.
22. Lewis Henry Morgan, Ancient Society, ed. Eleanor Leacock, Peter Smith, Gloucester, Mass., 1974, p.464.
23. Lewis Henry Morgan, League of the Ho-De-No-Sau-Nee or Iroquois,vol.I, Human Relations Area Files, New Haven, 1954, p.315; Steven Goldberg,The Inevitability of Patriarchy, Wm. Morrow, New York, 1973, pp.40, 58, 241.
24. Lewis Henry Morgan, Houses and House-Life of the American Aborigines,University of Chicago Press, Chicago, 1965, p.128.
25. Morgan, ancient Society, pp. 85-86.
27. Ibid., p. 119.
28. Ibid., p. 123.
29. Thwaites, vol. 52, p. 49.
30..Ibid., vol. 52, p. 49.
31. Peggy R. Sanday, "Female Status in the Public Domain," Women, Culture, and Society, eds. Michelle Zimbalist Rosaldo and Louise Lamphere, Stanford University Press, Stanford, 1974, p. 193.
32. Quoted by Brown from Audrey I. Richards, Land, Labour and Diet in Northern Rhodesia, Oxford University Press, London, 1939; pp. 188-189.
33. Karen Sacks, "Engels Revisited: Women, the Organization of Production, and Private Property," Rosaldo and Lamphere, Women, Culture and Society, p. 215.
34. G. T. Basden, Among the Ibos of Nigeria, Barnes & Noble, New York, 1966, p. 95. See also G. T. Basden, Niger Ibos, Seeley, Service, London, 1938, and C. K. Meek, Law and Authority in a Nigerian Tribe, Oxford University Press, London, 1937.