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le capitalisme

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Marx et le socialisme

 

Marx naquit en 1818 et mourut en 1883. II devint socialiste vers la fin de 1843. La durée de son activité politique pour le socialisme s'étala donc presque sur une quarantaine d'années, de 1843 à 1883. Ses activités politiques furent inévitablement influencées par les conditions de vie à cette époque. L'inévitabilité de cette influence fait même partie de sa propre théorie.

Le capitalisme était alors un système social relativement jeune et encore dans sa phase d'expansion. Basée sur le charbon et le fer, sa technologie, quoique énormément plus productrice que celle du passé, était arriérée en comparaison de la technologie moderne. On ne connaissait ni le moteur électrique ni le diesel. Les moyens de transport se limitaient à la locomotive à vapeur et à la voiture à cheval. Les habitations et les rues étaient éclairées au gaz. De nombreux travailleurs, pour ne pas dire la plupart, étaient encore employés dans de petits ateliers, et non dans les grandes usines que nous connaissons aujourd'hui.

Du point de vue politique également, le capitalisme était encore dans sa phase de croissance. Les formes politiques du capitalisme (c'est-à-dire le contrôle parlementaire, l'extension du droit de vote, une administration professionnelle) n'existaient que dans quelques pays, et encore étaient-elles incomplètes. La plus grande partie de l'Europe était gouvernée par des régimes franchement anti-démocratiques avec des dirigeants héréditaires soutenus par une aristocratie foncière. Les trois régimes les plus puissants parmi ceux-ci (la Russie tsariste, l'Autriche Habsbourg et le royaume de Prusse) constituaient une menace permanente pour les formes politiques capitalistes, partout où celles-ci s'établissaient.

Bref, Marx s'engagea politiquement à un moment où le capitalisme n'était pas encore le système mondial dominant, du point de vue économique et politique. Ce fait eut une influence déterminante sur ses tactiques politiques. II pensait que c'était le capitalisme qui frayerait la voie au socialisme et que ce premier avait encore du travail à faire. II préconisait donc, vu les circonstances, qu'il était du devoir des socialistes de travailler non seulement pour le socialisme, mais aussi pour le progrès du capitalisme aux dépens des formes politiques et sociales réactionnaires. Ceci amena Marx à soutenir des campagnes qui visaient à établir la démocratie politique ou qui auraient, d'après lui, pour effet de stabiliser ou de protéger la démocratie.

Ainsi le vit-on prendre parti pour l'indépendance de l'Irlande, de façon à affaiblir le pouvoir de l'aristocratie foncière anglaise qui était un obstacle au développement de la démocratie politique en Grande-Bretagne. II soutint également l'indépendance polonaise, de façon à établir un Etat-tampon entre la Russie tsariste et le reste de l'Europe, pour donner à la démocratie politique l'occasion de s'y développer. Par contre, il ne se prononça pas pour les mouvements slaves réclamant leur indépendance de l'Autriche ou de la Turquie. Cela montre en tout cas que ce n'est pas parce qu'il croyait que toute nation avait un droit abstrait à l'autodétermination qu'il appuyait certains mouvements indépendantistes.

Marx était en fait tellement opposé à la Russie tsariste qu'il en arriva à soutenir l'alliance franco-britannique lors de la guerre de Crimée - ce qui était, d'après nous, une pure et simple erreur de jugement. Il appuya l'établissement d'un Etat unifié en Allemagne et en Italie, parce qu'il pensait que cela y accélérerait le développement du capitalisme et il prit position pour te Nord dans la guerre civile américaine, considérant qu'une victoire des esclavagistes du Sud retarderait le développement du capitalisme en Amérique.

Ces positions étaient dans une certaine mesure compréhensibles à une époque où le capitalisme n'avait pas encore fini de créer les fondements matériels du socialisme, puisqu'elles avaient pour but d'accélérer ce processus. Mais dès que le capitalisme eut créé ces conditions, disons trente ans après la mort de Marx. de telles positions devinrent dépassées et même réactionnaires, et ceci selon la théorie même de Marx.

Trente ans après la mort de Marx, l'électrification de l'industrie, le moteur à combustion interne, la radio et d'autres progrès technologiques étaient apparus et montraient clairement que le problème de la production d'une abondance pour tous était résolu, que la pénurie était enfin surmontée et que l'humanité pouvait finalement commencer à profiter du dur labeur des générations précédentes de producteurs - mais à condition que le capitalisme soit aboli et le socialisme établi.

En 1914 éclata la guerre, appelée « mondiale » à juste titre, qui marqua l'émergence du capitalisme en tant que système mondial prédominant et incontesté et qui aboutit à la chute des trois empires réactionnaires que Marx avait considérés comme des menaces pour le progrès démocratique et social de son époque.

Grâce à ces changements de circonstances, les socialistes n'avaient plus à aider le capitalisme à préparer la voie au socialisme. Le capitalisme l'avait déjà fait et était donc devenu un système réactionnaire; par conséquent. les socialistes devaient exclusivement consacrer leurs efforts à encourager le développement de la conscience socialiste et l'organisation de la classe travailleuse. C'est pourquoi nous avons toujours refusé de nous laisser détourner de notre objectif pour nous mettre à préconiser ou à appuyer des réformes sociales et démocratiques et des mouvements visant à établir de nouveaux Etats, ou pour nous mettre à soutenir l'un des camps en temps de guerre.

Marx était également concerné par un autre problème qui fut résolu par la suite grâce aux progrès technologiques survenus dans le capitalisme: le passage au socialisme. Marx vivait à une époque où le capitalisme n'avait pas encore complètement posé les fondations qui auraient permis l'établissement immédiat du socialisme. Lorsqu'on soulevait cette objection, il répondait que si la classe travailleuse avait pris le pouvoir à ce moment-là (ce qui était, nous pouvons le voir maintenant, tout à fait improbable vu l'immaturité politique de la classe travailleuse et vu le fait que beaucoup étaient encore employés dans la petite industrie), il aurait fallu avoir une période de transition relativement longue qui aurait permis tout d'abord de centraliser l'administration des moyens de production qui n'étaient pas encore complètement industrialisés. Cela fait, il aurait fallu travailler au développement rapide des moyens de production pour pouvoir bientôt satisfaire tous les besoins humains. Mais pendant ce temps, toujours d'après Marx, il aurait fallu limiter la consommation, même au sein d'une société fondée sur la possession commune et la gestion démocratique des moyens de production; le libre accès selon les besoins individuels n'aurait pu être mis en application avant que les moyens de production ne se soient développés davantage. Marx ne fit aucune allusion au temps que cela prendrait mais en évaluant le progrès technologique qui suivit, on peut penser que cela aurait représenté une trentaine d'années.

Nous répétons que ce point de vue s'explique à l'époque, mais plus de nos jours. Aujourd'hui, les «périodes de transition », les « dictatures révolutionnaires », les « bons de travail » n'ont plus de raison d'être et représentent des concepts du XIXe siècle. L'accès libre pour tous aux biens et aux services selon les besoins individuels pourrait être introduit pleinement presque tout de suite après l'établissement du socialisme - et on pourra établir le socialisme dès que la classe travailleuse le voudra et mènera l'action politique nécessaire.