Untitled Document

le capitalisme

L'établissement du socialisme

Marx et le socialisme

réforme et révolution

la futilité du réformisme

les syndicats

le soi-disant parti communiste

le mythe du socialisme en russie

les pays sous-développés

la guerre

le socialisme

le soi-disant parti communiste

 

De toutes les organisations françaises qui se disent en faveur du socialisme, la plus importante, celle qui a le plus grand nombre d'adhérents, est le Parti Communiste (PCF). Le PCF estime que le socialisme a bien été réalisé en Russie et dans certains autres pays. Si ceci était vrai - si la Russie était socialiste- alors la position pro-russe qu'a eue le PCF pendant des années aurait été logique pour une organisation qui se dit socialiste. Mais si, d'autre part, comme nous le montrerons dans le chapitre suivant, la Russie n'est pas et n'a jamais été socialiste, mais a gardé le système capitaliste du monopole de classe des moyens de production, du salariat, et de la production pour le profit, sous la forme d'un capitalisme d'Etat, alors la politique pro-russe du PCF signifie qu'il a constamment servi les intérêts du gouvernement d'un pays capitaliste d'Etat et non pas ceux de la classe travailleuse. Un examen plus détaillé des zigzags de la politique du PCF depuis sa formation en 1920 le confirmera.

Le PCF fut fondé en 1920 au congrès de la SFiO, à Tours, quand une majorité de délégués votèrent l'affiliation de la SFIO à «l'Internationale Communiste» ( Comintern ) que les bolcheviks avaient établie et lui donnèrent le nouveau nom de « Parti Communiste ». (Les anti-bolcheviks avec Léon Blum s'en détachèrent aussitôt et formèrent un nouveau parti qui prit pour nom celui de SFI0, que 1a majorité avait abandonné;.

Les premiers adhérents du PCF furent essentiellement des sociaux-démocrates de gauche pleins d'enthousiasme pour ce qui se passait alors en Russie et dont ils se faisaient d'ailleurs une idée fausse. Rares étaient ceux qui avaient compris les méthodes et tactiques des bolcheviks et ceux-ci savaient bien qu'ils ne pouvaient pas compter absolument sur ce nouveau parti, surtout maintenant que leurs buts s'identifiaient de plus en plus avec les intéréts nationaux du régime capitaliste d'Etat qu'ils étaient en train d'établir en Russie. Après la mort de Lénine. Staline, en passe de devenir le nouveau maître de la Russie, ordonna la « bolchevisation » des partis affiliés au Comintern. Ce processus dura quelques années et il entraîna l'élimination non seulement des éléments sociaux-démocrates peu sûrs mais aussi des partisans de Trotski et de tous ceux qui s'opposaient à Staline en Russie. En France, ce processus prit fin quand, en 1930, Maurice Thorez devint chef du parti. Sous la direction de Thorez, jusqu'à sa mort en 1964,1e PCF ne dévia pas une seule fois de la ligne tracée par les dirigeants de la Russie capitaliste d'Etat. II suivit loyalement les zigzags de la politique russe.

Au moment où Thorez devint leader en 1930, le PCF poursuivait une tactique appelée « classe contre classe », qui comprenait la dénonciation des sociaux-démocrates, représentés en France par la SFIO de Blum, comme étant des « sociaux-fascistes ». Cette politique ne fut pas appréciée par la plupart des travailleurs, et le nombre des adhérents et des sympathisants du PCF baissa nettement. Puis, en 1934, après la montée au pouvoir d'Hitler en Allemagne, le gouvernement russe changea de politique étrangère et rechercha activement l'alliance des pays occidentaux contre l'Allemagne nazie. Les partis communistes des pays occidentaux, y compris de la France, furent enjoints d'abandonner la tactique de « classe contre classe » et de chercher alliance avec ces mêmes sociaux-démocrates qu'ils avaient traités jusqu'alors de «sociaux-fascistes ». Le but était de créer un mouvement de masse pour forcer les gouvernements occidentaux à s'allier avec la Russie.

La nouvelle politique étrangère russe remporta un succès important avec la signature, le 2 mai 1935, du Pacte franco-soviétique. La France devint alors l'allié militaire de la Russie. Comment le PCF pouvait-il dans ces circonstances justifier la politique qu'il avait suivie jusqu'alors - qui était une vieille tradition héritée de la SFIO d'avant la guerre- de ne pas voter les crédits militaires? La réponse est qu'il n'essaya même pas. Un communiqué paru après une rencontre entre Staline et Laval, le 15 mai, déclarait:

Monsieur Staline comprend et approuve pleinement la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité.

Le PCF convint loyalement que « Staline avait raison » et abandonna du jour au lendemain sa position anti-militariste.

La stratégie de Staline en ce qui concernait les partis communistes non-russes devenait alors claire: dans le futur immédiat, ils ne devaient pas viser au pouvoir mais essayer de construire dans leurs pays respectifs un front anti-fasciste aussi étendu que possible; en fait, dans la mesure où les discours traditionnels des PC sur la « révolution », l'« internationalisme » et les « soviets » pouvaient effrayer des anti-fascistes potentiels, on les laissa tomber. On le fit savoir aux partis-membres du Comintern lors de son Vlle Congrès à Moscou, en juillet et en août 1935. Le porte-parole de Staline fut le Bulgare Georgi Dimitrov, qui dit aux délégués de ne pas se contenter d'un simple affaiblissement de la phraséologie révolutionnaire et internationaliste, mais de se convertir au patriotisme dans leurs pays respectifs et de dire dans leur propagande que c'étaient eux, et non pas les fascistes et leurs sympathisants, qui étaient les vrais patriotes. C'est ainsi que l'antipatriotisme, après avoir été longuement défendu par la section militante de la classe travailleuse française, fut lui aussi abandonné et que le PCF adopta le langage chauvin qu'il continue d'employer de nos jours.

Ce changement de position allait permettre la formation du Front Populaire composé du PCF, de la SFIO et des Radicaux, union que le PCF défendait ardemment. Celui-ci s'intéressait tellement à créer un front aussi grand que possible que, dans les discussions sur le programme électoral du Front. il s'allia souvent avec les Radicaux contre la SFIO pour modérer les demandes de réformes. Quand le Front Populaire gagna les élections de 1936, le PCF dut faire face au dilemme suivant: devait-il ou non rejoindre le gouvernement que Blum était en train de former ? Finalement, il décida de ne pas y participer mais de donner au nouveau gouvernement un appui parlementaire total.

Le PCF vota en fait pour tous les gouvernements du Front Populaire jusqu'en 1939, y compris ceux qui étaient présidés par des Radicaux conservateurs, et demanda même une représentation ministérielle dans certains d'entre eux (sans succès). Hors du parlement, il chercha à limiter les revendications de la classe travailleuse à l'accord négocié à Matignon pendant la grande vague de grèves de juin 1936, dans le but de ne pas aliéner « les classes moyennes - et d'aider le capitalisme français à se réarmer pour la guerre à venir. Ainsi Monmousseau, l'un des dirigeants syndicaux du PCF, écrivait-il en 1937:

La continuation des mouvements au-delà des objectifs contenus dans les accords Matignon et des lois sociales dont le vote ne faisait désormais aucun doute ne pouvait que servir la cause du grand patronat en mettant le gouvernement en difficulté (... ). L'application des lois sociales en garantissant aux masses un salaire basé sur un pouvoir d'achat suffisant. devait immanquablement provoquer, dans les masses, un sens général de la responsabilité, c'est-à-dire un accroissement de la production.

(Cahiers du bolchevisme, 15 janvier 1937)

Comme l'Allemagne nazie se réarmait et étendait son emprise sur l'Europe centrale, la Russie commença à se trouver de plus en plus isolée et ordonna à ses partis communistes à l'étranger de travailler encore plus dur à la construction d'un front anti-fasciste de masse. Alors, le PCF ne parla même plus de «socialisme», de «front uni de la gauche», mais d'un «Front des Français» composé de tous ceux qui étaient opposés à l'Allemagne nazie, aussi bien des conservateurs que des fascistes anti-nazis. Ceux qui, dans la gauche, rejetèrent cette tactique furent dénoncés comme « agents provocateurs du fascisme» (L'Humanité. 13 mai 1938).

Mais la loyauté du PCF vis-à-vis des dirigeants de la Russie capitaliste d'Etat allait bientôt être mise à rude épreuve. Le 23 août 1939, fa conclusion du Pacte Nazi-soviétique fut annoncée au monde ébahi. Le PCF (ainsi que les autres partis occidentaux) fut d'abord quelque peu désorienté par ce nouveau tournant de la politique étrangère de la Russie, allant même jusqu'à voter des crédits pour la guerre que la France avait déclarée à l'Allemagne le 3 septembre. (Ceci n'empêcha pas le PCF d'être interdit par le gouvernement français). En quelques mois cependant, il fut rappelé à l'ordre par Moscou et, en novembre, il publia une nouvelle déclaration dénonçant la guerre (correctement d'ailleurs) comme étant une guerre inter-impérialiste. On obligea Thorez à faire une autocritique abjecte. Même la conquête nazie de la France ne fit pas bouger le PCF de sa position neutre sur la guerre, qui reflétait la neutralité même de la Russie. En fait, en 1940 et 1941, le PCF demanda aux gouvernements occidentaux d'accepter l'offre de négociations de paix d'Hitler.

Quand le 22 juin 1941, l'Allemagne envahit la Russie, la position du PCF changea de nouveau de 180°. Maintenant que la Russie s'y était engagée, du côté des puissances occidentales, la guerre, pour le PCF, changea de caractère, et d'impérialiste elle devint « progressiste » et « populaire ». Le PCF se joignit à la Résistance et en 1944 fut admis par De Gaulle à son gouvernement provisoire en exil. En novembre 1945, Thorez lui-même devint ministre d'Etat dans le gouvernement de De Gaulle et, après le départ de ce dernier, en janvier 1946, fut vice-président du Conseil dans chacun des gouvernements (sauf un qui dura quelques semaines seulement) jusqu'en mai 1947.

Ainsi, pendant la période 1944-1947, le PCF était partie prenante de la gestion du capitalisme français. Comme pendant la période 1936-39, le PCF donna beaucoup d'importance à l'accroissement de la production. Thorez fit le tour du pays en demandant aux gens de retrousser leurs manches et de travailler davantage. Les grèves n'étaient pas encouragées. Monmousseau dit à une réunion des ouvriers du bâtiment à Paris, en septembre 1945:

De nouvelles responsabilités nous incombent. Il faut s'élever au-dessus des intérêts purement professionnels et regarder les intérêts de la nation. La grève, dans la situation présente, c'est l'arme des trusts contre la nation et contre la classe ouvrière.

(L'Humanité, 19 septembre 1945)

Cette attitude pro-production et anti-grève ne fut pas abandonnée avant le moment où, avec le début de la guerre froide, la politique étrangère de la Russie changea de nouveau.

Dès 1947, la rivalité entre la Russie et les Etats-Unis pour la domination mondiale fut admise ouvertement de chaque côté et Staline décida de raviver, quoique sous une forme réduite, le Comintern (qu'il avait dissous en 1943 pour plaire aux nouveaux alliés occidentaux de la Russie). En novembre, il convoqua en Pologne les partis communistes de la Russie et des pays de l'Europe de l'Est qui lui étaient soumis ainsi que ceux de la France et de l'Italie pour établir le Cominform. A cette réunion, Jdanov dit aux partis italien et français que leur rôle dans la nouvelle politique étrangère russe était de faire tout ce qu'ils pouvaient pour empêcher les Etats-Unis d'englober l'Europe occidentale dans sa sphère d'influence. A leur retour de Pologne, les diri-29

 

geants du PCF commencèrent aussitôt une virulente campagne anti-améri-caine exploitant autant que possible les préjugés chauvins. L'horreur réelle que les gens avaient de la guerre fut exploitée grâce à une campagne pour la « paix » qui était tout à fait mensongère puisqu'elle avait pour but de donner à la Russie un répit dont celle-ci pouvait profiter pour fabriquer sa propre bombe atomique. Le PCF tenta de provoquer des grèves dans l'industrie de l'armement et, au travers de la CGT, d'exploiter à plein le mécontentement plus que légitime des travailleurs à propos des salaires et des conditions de travail afin de déstabiliser l'économie française.

La politique étrangère de la Russie changea de nouveau en 1956, trois ans après la mort de Staline, quand au XXe Congrès du parti russe, Khrouchtchev dénonça certaines actions de Staline et proclama la doctrine de «coexistence pacifique» entre pays «socialistes» (c'est-à-dire le bloc capitaliste d'Etat avec la Russie à sa tête) et capitalistes. Ceci fut reflété en France par un rapprochement entre le PCF et la SFIO, qui avait pris une position proaméricaine pendant la guerre froide. Mais ce devait être une évolution lente et prolongée, compliquée par le retour au pouvoir de De Gaulle et l'instauration de la Vème République en 1958. Le résultat final fut la signature en 1972 du programme commun du gouvernement pour les législatives par le PCF, le PS (c'était le nouveau nom de la SFIO depuis 1969) et les Radicaux de Gauche.

Cette période vit aussi un relâchement dans l'engagement inconditionnel du PCF envers la politique du gouvernement russe. En 1965, le PCF critiqua timidement le procès de deux écrivains russes et, en 1968, il s'opposa à l'invasion russe de la Tchécoslovaquie. II proclame maintenant son indépendance complète vis-à-vis de Moscou, bien qu'il considère toujours la Russie et les pays de l'Europe de l'Est comme étant « socialistes » et comme ayant un bilan « globalement positif» et il donne toujours un appui général à la politique étrangère russe.

Ayant cessé d'accepter des ordres directement de la Russie, le PCF, du parti réformiste servant les intérêts de la Russie capitaliste d'Etat qu'il était, est devenu un parti réformiste tout court. II est maintenant engagé dans la stratégie d'évolution graduelle du capitalisme en direction de ce qu'il appelle « socialisme » (et qui est, en fait, du capitalisme d'Etat ) par une série de mesures de réformes sociales devant être accomplies au cours d'une étape appelée «démocratie avancée». Cette étape est le régime qui serait établi par un gouvernement de coalition du PS et du PC si la gauche devait passer au pouvoir en France.

Selon l'idéologie courante du PC, le stade présent du capitalisme est un capitalisme monopoliste d'Etat, où un petit nombre de monopoles privés dominent l'Etat et l'utilisent pour piller le reste de la société, y compris les sections non-monopolistes de la classe capitaliste. Tous les éléments non-monopolistes de la société ont donc, suivant l'analyse du PC, un intérêt commun à s'allier pour former une « union du peuple de France » afin d'enlever l'Etat aux monopoles et de l'utiliser contre eux.

La stratégie actuelle du PCF ignore le fait que le capitalisme est un système économique qui fonctionne suivant des lois économiques précises, lois qui ne peuvent être changées par aucune action gouvernementale, même la plus déterminée. Le capitalisme est fondé sur l'exploitation du travail salarié pour l'extraction de plus-value et ne peut donc jamais fonctionner dans l'intérêt de la classe salariée. Ce système orienté vers le profit ne peut fonctionner que dans l'intérêt de ceux qui possèdent et gèrent les moyens de production et vivent des profits qui en découlent.

Si une coalition PS-PC arrive jamais à gouverner le capitalisme français, nous prédisons qu'après une période initiale d'euphorie pendant laquelle un certain nombre de réformes sociales seront accordées, les difficultés économiques forceront le nouveau gouvernement de gauche à réimposer l'austérité et nous verrons de nouveau, comme dans la période 1944-47, les ministres PC faire le tour du pays demandant aux travailleurs de se serrer la ceinture, de travailler plus dur et de ne pas faire la grève. Ce ne sera pas parce qu'ils sont méchants ni parce qu'ils auront trahi les travailleurs mais simplement parce qu'ils n'auront pas d'autre alternative. Ayant assumé la responsabilité de la gestion du capitalisme, ces ministres auront à le gérer suivant ses lois économiques, lois qui excluent son fonctionnement au bénéfice des salariés.

Ceci ne s'applique pas uniquement à la «démocratie avancée » du PCF, où un secteur privé assez important survivra, mais au capitalisme d'Etat intégral que le PCF a comme but final (et qu'il appelle à tort « socialisme »). Car une France capitaliste d'Etat aurait toujours besoin d'accumuler du capital au moyen des profits produits par le travail salarié et aurait toujours besoin de vendre ses produits sur le marché mondial, et pour arriver à le faire à des prix compétitifs et de façon profitable, il lui faudrait limiter les dépenses pour les réformes sociales et de restreindre les salaires. Et nous pouvons ajouter que la classe travailleuse serait dans une position plus faible pour résister à une telle contrainte du fait qu'elle serait face à un employeur unique, tout-puissant, l'Etat-patron.

Le PCF n'a donc rien à offrir à la classe travailleuse, ni à court terme, ni à long terme.